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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871
| Chapitre 4 | 
Suite des opérations des détachements saxo-prussiens dans le nord-ouest
 
      
         Source : L. Rolin.
          
         
          
 
      	
	 Marche du prince Albert (fils) sur la ligne de l'Epte
 Marche du prince Albert (fils) sur la ligne de l'Epte  
 
	
	
	 Le prince Albert, qui avait établi depuis quelques
	 jours son quartier général au château de Montchevreuil, 
	 envoya de nouveau ses uhlans à Gisors dans la matinée
	 du 8 octobre. 
	 
	 Le chef de la patrouille fit mander le maire, et réclama, 
	 au nom de son général, le passage libre dans la ville,
	 la reddition des armes de la garde nationale, une
	 indemnité pour les chevaux blessés l'avant-veille,
	 et des cartes géographiques. 
 
	 
	 On remarquera la singularité de cette dernière
	 demande, que les Prussiens renouvelèrent souvent
	 dans le Vexin et dans la Normandie en gens prévoyants,
	 ils étaient tous munis de la carte de l'Europe 
	 centrale de Reymann, mais cette carte s'arrêtait
	 précisément à la rive gauche de l'Epte.  
	 
	 Il est vrai 
	 qu'ils avaient copié, revisé et même amélioré celle de
	 notre dépôt de la guerre, dont les officiers français
	 ne possédaient que de rares exemplaires, mais ils ne
	 se doutaient pas, et qui de nous eût pu le croire?
	 que l'investissement de Paris les forcerait d'étendre
	 aussi loin leur rayon d'occupation, et que les nécessités du
	 
	ravitaillement les pousseraient jusqu'en Normandie. 
	La municipalité de Gisors ayant refusé de satisfaire
	aux exigences de l'ennemi, l'officier de uhlans se 
	retira annonçant que son générât avait résolu d'occuper 
	la ville et qu'il arriverait le lendemain avec des
	forces plus sérieuses et du canon. 
 
	
	Gisors, comme tant d'autres localités, se trouvait
	alors dans une situation des plus difficiles: d'un côté 
	lesd épêches des préfets et les proclamations de
	l'état-major des gardes nationales prescrivaient partout
	la lutte à outrance; le sol national devait être défendu
	pied à pied; d'après l'énergique recommandation du 
	commandant général Estancelin, "chaque arbre devait
	abriter un tireur" ;  mais d'un autre côté, 
	les militaires craignaient, avec raison, de 
	compromettre le peu de troupes novices dont ils disposaient. 
	Le général Gudin résista donc avec beaucoup de fermeté
	aux sollicitations dont il était l'objet pour la 
	défense de Gisors, d'autant plus que cette ville,
	bien qu'elle ait par elle-même une certaine 
	importance stratégique, est, au point de vue
	défensif, dans de très-mauvaises conditions topographiques. 
	A la date du 8 octobre, il n'avait en avant de Rouen que
	six escadrons de cavalerie, comptant moins de cent 
	chevaux chacun et fournissant tous les services, plus
	huit bataillons de mobiles, à peine organisés, environ
	8 à 9000 hommes en tout, sans un canon.
	
	 Situation   militaire des deux partis sur l'Andelle  et sur l'Epte
 Situation   militaire des deux partis sur l'Andelle  et sur l'Epte 
 
	
	Avec d'aussi faibles moyens il lui était impossible de
	songer à défendre la ligne de l'Epte; il est même fort 
	probable que si les forces combinées qu'il avait alors
	devant lui avaient attaqué la ligne de l'Andelle, il
	n'aurait pu s'y maintenir, et que, conformément aux 
	ordres du ministre et d'après un itinéraire tracé à l'avance,
	
	il aurait replié ses troupes sur le Havre.  
	
	On savait à la division militaire de Rouen que le
	comte de Lippe avait sous ses ordres trois bataillons,
	seize escadrons et dix-huit canons; on ignorait, il
	est vrai, l'effectif du détachement du prince Albert,
	mais on supposait, avec une certaine vraisemblance,
	qu'un neveu du roi de Prusse, nommé récemment
	général-lieutenant, commandait non pas une troupe de
	fourrageurs, mais des forces respectables, en rapport
	avec son rang, ou tout au moins avec son grade.  
	
	En réalité, les deux détachements réunis du prince Albert
	et du comte de Lippe comptaient six bataillons, 
	vingt-quatre escadrons et cinq batteries, c'est-à-dire
	8 à 9000 hommes avec trente canons. 
 
 
	Dans une telle situation, tout projet de résistance 
	aurait dû être abandonné; mais l'autorité civile en
	avait décidé autrement.  
	
	Sur une démarche faite par 
	la municipalité de Gisors, le sous-préfet de 
	l'arrondissement des Andelys prit sur lui d'envoyer
	au secours de cette ville un détachement de mobiles
	et une section de francs-tireurs. 
 
	
	Ce fonctionnaire
	fut immédiatement blâmé par le général Gudin, qui
	lui intima par le télégraphe la défense d'ordonner
	à l'avenir aucun mouvement militaire; mais les 
	secours promis à Gisors étaient déjà rendus aux portes
	de la ville et passaient la nuit du 8 au 9 aux
	Thilliers, à Vesly et
	à Dangu.  
	
	Le détachement se
	composait d'environ 500 mobiles du 1e bataillon des
	Landes (commandant Beaume), et de la section des
	francs-tireurs des Andelys (capitaine Desestre). 
	Dans la matinée du 9 octobre, il fut renforcé par 
	2 ou 300 gardes nationaux.  
	
	Les défenseurs de Gisors allèrent se masser sur le
	Mont-de-l'Aigle, position
	dominante
	au nord-ouest de la ville; et là, adossés à la forêt et 
	couverts par la rivière de l'Epte, ils attendirent, sous 
	une pluie battante, des événements dont l'issue n'était
	malheureusement pas douteuse. 
	
	 Prise de Gisors et combat   de Bazincourt (9 octobre)
 Prise de Gisors et combat   de Bazincourt (9 octobre)  
 
	Vers midi, l'ennemi parut
	sur les hauteurs opposées de la rive gauche; c'était le
	prince Albert, avec trois bataillons, huit escadrons
	et deux batteries; il était appuyé par le général Senfft,
	parti de Beauvais avec deux compagnies, trois escadrons
	et deux sections d'artillerie; il disposait par conséquent
	d'environ 5000 hommes et seize canons. 
	Tandis que les uhlans battent le pays, l'infanterie
	prussienne se déploie sur le plateau de la Folie et
	l'artillerie met deux pièces en batterie sur la colline
	qui domine la gare, la ville de Gisors et les routes 
	aboutissantes. 
	 
	L'un des premiers obus tombant au milieu du détachement
	des Landes, y tue ou blesse plusieurs hommes; les mobiles
	se réfugient dans la forêt, et ce mouvement de retraite
	dégénère bientôt en une fuite précipitée dans la
	direction des Andelys. 
	 
	Au bruit du canon, le maire de Gisors,
	M. Le Père,
	à la tête de la municipalité, s'était rendu près du
	prince Albert, pour tâcher d'épargner à la ville
	les horreurs d'un bombardement; mais pendant ces
	pourparlers, un bataillon prussien, sous les ordres
	du major Schramm, en avait déjà pris possession.
 
	Tandis que cette échauffourée avait lieu aux portes
	de Gisors, une trentaine de gardes nationaux mal 
	armés luttaient héroïquement à quatre kilomètres 
	au nord de cette ville pour contenir les efforts 
	d'un ennemi vingt fois supérieur en nombre; 
	cette noble résistance allait illustrer un 
	village de deux cents 
	habitants et sauver l'honneur de la journée.
	Les gardes nationaux de Bazincourt, auxquels deux
	blessés de Gravelotte, recueillis au château de
	Thierceville, avaient servi d'instructeurs, s'étaient
	chargés de défendre les ponts qui donnent accès sur
	la rive gauche de l'Epte et d'empêcher ainsi un
	mouvement tournant.
	Plusieurs ouvriers étaient en train de couper le
	pont de Droittecourt dans la matinée du 9 octobre,
	lorsqu'ils furent dispersés par les uhlans descendus
	des hauteurs opposées. 
	
	A cette vue, les gardes nationaux de Bazincourt, 
	ayant à leur tête le
	lieutenant Lebrun, se déploient 
	en tirailleurs le long de la rivière, chassent les 
	éclaireurs à coups de fusil, démontent l'un d'eux 
	et font tourner bride aux autres; puis, enhardis 
	par ce succès, ils franchissent la rivière et se
	lancent à leur poursuite jusqu'au village d'Éragny;
	mais là ils se trouvent en présence de deux 
	compagnies ennemies, et après avoir soutenu 
	pendant quelque temps un combat Inégal, ils sont 
	poursuivis à leur tour et forcés de repasser l'Epte.
	Tandis que les uhlans, débouchant au galop par
	Droittecourt, manœuvrent pour les tourner, 
	l'infanterie prussienne envahit le territoire 
	de Bazincourt.
	Cernés de toutes parts, six de ces braves gens se 
	font tuer pour l'honneur et tombent percés de balles.
	Bien qu'il n'ait eu qu'un seul blessé dans cette
	affaire, l'ennemi déploie un tel acharnement contre
	ces paysans eu blouse, que deux d'entre eux, mis
	hors de combat, sont massacrés sans pitié, après
	s'être rendus.
	Le maire de Bazincourt, M. le comte de Briey, qui
	s'est jeté courageusement dans la mêlée, est fait
	prisonnier avec deux des siens; il parvint néanmoins,
	au prix des plus grands efforts, à fléchir le baron 
	de Korff, qui commandait ce 
	
	
	détachement, et à préserver la commune des 
	représailles dont elle était menacée.
	
	
		
	
	
	 Expédition des Allemands à Gournay (10 octobre)
 Expédition des Allemands à Gournay (10 octobre)  
 
	
	Pendant ce temps, la ville de Gisors était 
	complétement enveloppée au sud et à l'ouest
	par l'infanterie et la cavalerie du prince
	Albert; les uhlans passant au nord par le
	chemin des Ursulines, au sud par Courcelles 
	et le pont d'Inval, barraient la route
	d'Etrépagny, incendiaient la ferme
	des Bouillons, et, s'avançant jusqu'à 
	Saint-Paër et
	Bézu-Saint-Eloi, faisaient
	prisonniers cinq mobiles et quatorze gardes
	nationaux, derniers fuyards du Mont-de-l'Aigle. 
	
	A deux heures, Gisors était occupé par
	le 27e régiment d'infanterie prussienne
	(Magdebourg) et par le 3e régiment de uhlans de 
	la garde avec deux batteries d'artillerie.
	Le commandement de la place fut dévolu 
	au colonel des uhlans; c'était l'un des
	descendants du généralissime des troupes
	prussiennes en 1806, le prince 
	de Hohenlohe-Ingelfingen, qui prenait à 
	Gisors la revanche d'Iéna.
	Le premier soin de l'ennemi fut de frapper 
	sur la ville une contribution de guerre de 
	18,000 francs aux réclamations que fit 
	entendre la municipalité, le prince de
	Hohenlohe répondit que le meilleur moyen
	de bien disposer le prince Albert en faveur
	des prisonniers était de payer entièrement
	et sur-le-champ la somme exigée.
	Moyennant ce versement et la fourniture
	de très-fortes réquisitions, les mobiles
	et les gardes nationaux pris à Saint-Paër
	et à Bézu furent en effet rendus à la liberté.
	Dans une cérémonie bizarre que présida le
	second lieutenant de Bismarck, neveu du
	chancelier allemand,
	
	 on leur avait fait jurer de ne pas reprendre
	 les armes jusqu'à la fin de la campagne. 
	 
	 Quant aux prisonniers de Bazincourt, malgré
	 les démarches que fit pour les sauver
	 M. le comte de Briey, malgré les généreux
	 efforts d'un officier polonais, le second
	 lieutenant comte de Bninski, ils devaient
	 cruellement expier le crime d'avoir défendu
	 leurs foyers sans porter d'uniforme.
	 Trois d'entre eux, il est vrai, furent relâchés
	 après avoir été roués de coups de bâton,
	 à la manière allemande, mais les cinq
	 autres, après un simulacre de jugement,
	 furent impitoyablement fusillés à 
	 Saint-Germer-de-Fly, le lendemain du combat.
	 (...) 
	 
	 Après la prise
	 de Gisors,
	 le prince Albert fit défiler
	 toutes ses troupes à travers la ville, 
	 dont il confia la garde au prince de Hohenlohe;
	 après quoi, il partit lui-même avec la 
	 majeure partie de ses forces, remontant
	 le cours de l'Epte, de concert avec le 
	 détachement saxon du général Senfft, et
	 se dirigea sur Sérifontaine, où
	 il passa la nuit. 
	 
	 Ce mouvement menaçait clairement Gournay.
	 Le colonel d'Espeuilles, qui l'occupait
	 avec deux escadrons de hussards et deux 
	 bataillons de mobiles, ne jugea pas prudent
	 de s'engager sans artillerie contre des 
	 forces supérieures, ni d'essayer de se 
	 maintenir dans une ville dominée de tous
	 côtés par des hauteurs et qui, sous le
	 rapport de la défensive, se trouve dans
	 d'aussi mauvaises conditions que Gisors;
	 c'est pourquoi il se retira
		
	 sur Argueil, dans la matinée du 10 octobre.
	 Quelques heures après son départ, 
	 les détachements réunis du prince Albert
	 et du général Senfft se montraient aux portes
	 de la ville, qui fut occupée par une partie 
	 de ces troupes tandis que le reste en gardait
	 les abords.
	 Après avoir désarmé la garde nationale,
	 levé de fortes réquisitions de vivres et 
	 exigé de la municipalité certaines fournitures
	 dont la livraison devait être faite à des
	 époques déterminées, les Prussiens et les
	 Saxons reprirent le soir même, vers quatre 
	 heures, les directions de Gisors et
	 de Beauvais.
	 Tandis que chez nous le déplorable système
	 de la défense locale éparpillait nos faibles
	 ressources, et rendait ainsi impossible 
	 le concert qui aurait dû exister entre 
	 les troupes de l'Eure, de la SeineInférieure
	 et de la Somme pour repousser un ennemi
	 commun, nos adversaires, sans cesser
	 d'étendre leur cercle d'occupation,
	 étaient toujours prêts à écraser toute
	 tentative de résistance.
	 Afin d'être à même de se prêter un appui
	 réciproque, ils avaient rétabli sur leurs
	 derrières plusieurs sections de nos voies
	 ferrées.
	 Dès le 7 octobre le comte de Lippe avait
	 envoyé de Chantilly aux maires de l'Oise
	 l'ordre de prendre toutes les mesures
	 nécessaires pour assurer la circulation
	 des trains, et il rendait les communes
	 responsables de tous les accidents qui 
	 auraient pu être occasionnés sur la voie;
	 certaines municipalités furent frappées
	 d'une réquisition d'un nouveau genre on
	 les somma de fournir à un emplacement
	 désigné des rails et des traverses 
	 de chemin de fer. 
	 
	 Grâce à ces dispositions, le prince Albert
	 et le comte de Lippe étaient toujours en
	 mesure de se concentrer avec rapidité et
		de recevoir au besoin des renforts de l'armée
		d'investissement. 
		Les Prussiens de Gisors avaient la mission 
		d'observer Rouen; les 
		Saxons de Beauvais 
		surveillaient Amiens. 
		Ces derniers, ayant appris que Breteuil,
		évacué au commencement du mois, avait été
		depuis réoccupé par nos troupes, 
		résolurent de faire contre cette ville une
		expédition dont la date fut fixée au 12 octobre. 
		On se rappelle qu'à la suite d'une fausse alerte 
		la ville de Breteuil avait été abandonnée
		au commencement du mois.  
		
		Quelques jours plus tard, le 6, le général 
		Paulze d'Ivoy, 
		commandant à Amiens,
		la fit réoccuper par le 4e bataillon 
		de la garde mobile de la Somme
		(commandant Huré);
		ce bataillon, fort d'environ 1200 hommes, 
		détacha une compagnie à Tartigny, et plaça
		ses avant-postes au Mont-Joie sur la route
		de Clermont, 
		à Caply sur celle 
		de Beauvais, 
		et au bois du Gard sur
		celle de Crèvecœur. 
		
	
	 Combat de Breteuil (13 octobre)
 Combat de Breteuil (13 octobre)  
 
		
		Dans la nuit du 11 au 12, on reçut, à Breteuil ,
		plusieurs renseignements qui tous concordaient
		et annonçaient une attaque certaine pour le
		lendemain. 
		Le 12 octobre, deux détachements partaient en 
		effet de Clermont  et de Beauvais  dans cette intention. 
		Celui de Beauvais , conduit par le
		général Senfft , se composait de cinq escadrons
		et d'une batterie celui de Clermont , commandé 
		par le major de Funcke , était fort de quatre 
		escadrons, deux sections d'artillerie, et 
		deux compagnies d'infanterie montées sur des 
		charrettes qui avaient été réquisitionnées le
		long de la route. 
		Vers midi cette dernière colonne
		arrivait à la hauteur de Beauvoir , et l'alerte était
		donnée par notre grand'garde établie au moulin à
		vent du Mont-Joie .  
		
		Le général Senfft  voulait,
		paraît-il, investir complétement
		
		  Breteuil , ce qui lui eût été facile avec sa
		  nombreuse cavalerie; mais avant qu'il eût fait
		  part de ses projets au major de Funcke , 
		  celui-ci avait déjà établi son artillerie
		  sur le Mont-Joie et ouvert le feu sur deux
		  compagnies de mobiles qui débouchaient par
		  la route de Vendeuil . 
		  Grâce à la résistance de ces mobiles et à
		  l'énergie de quelques gardes nationaux
		  de Breteuil qui, embusqués derrière les 
		  bouquets de bois et les haies, tinrent
		  en respect les tirailleurs ennemis, le
		  reste du bataillon de la Somme put prendre
		  position au nord de la ville et se déployer 
		  sur le plateau qui s'étend jusqu'à Esquennoy 
		  et Paillart .  
		  
		  Au bruit du canon, plusieurs détachements 
		  de gardes nationaux des environs de Breteuil 
		  se dirigèrent résolûment vers cette ville
		  pour prendre part à la résistance, mais 
		  aucun d'eux ne put y pénétrer.  
		  
		  Les pompiers et les volontaires de Blancfossé ,
		  au nombre d'une soixantaine environ, s'étant
		  dirigés sur Fléchy , aperçurent de cette position
		  le bataillon de la Somme ils essayent de se
		  joindre à lui, mais arrivés à une faible distance,
		  ils sont subitement enveloppés et pris par un 
		  escadron ennemi qui a franchi la Noyé à l'est
		  de Breteuil . 
		  Déjà les dragons s'apprêtent à donner une escorte 
		  à leurs prisonniers, lorsqu'ils essuient 
		  eux-mêmes une décharge des mobiles qui les 
		  force de lâcher leur capture et d'abandonner 
		  le terrain. 
		  D'autres cavaliers qui s'étaient avancés
		  trop près des jardins de la ville et avaient
		  fait également quelques prisonniers sont 
		  reçus de la même façon par les gardes 
		  nationaux de Breteuil  et s'enfuient en perdant
		  plusieurs des leurs, blessés ou démontés. 
		  Il règne en ce moment un épais brouillard,
		  et le feu
		
		 des mobiles de la Somme est tellement nourri 
		 que les Saxons se demandent s'ils n'ont pas
		 affaire à l'infanterie prussienne et s'ils 
		 n'ont pas essuyé le feu des fusils Dreyse;
		 ils détachent donc trois dragons pour mettre
		 fin à ce qu'ilsc nsidèrent comme une méprise:
		 l'un de ces volontaires s'approche en agitant
		 un mouchoir blanc, mais quelques coups de
		 fusil partis par mégarde de l'aile gauche
		 de nos tirailleurs lui font aussitôt 
		 tourner bride.
		 
		 Cependant le feu ayant cessé, un officier 
		 de mobiles, le capitaine des Cressonnières , 
		 s'imaginant que les cavaliers ennemis
		 voulaient se rendre, s'élance à son tour
		 un mouchoir à la main; le signal est
		 aperçu par les dragons, qui s'avancent
		 jusqu'à cinq ou six cents pas du bataillon,
		 et leur chef se détache alors pour se
		 porter à la rencontre du capitaine français;
		 mais dès qu'ils ont échangé les premières
		 paroles, ces deux officiers s'aperçoivent
		 de leur erreur réciproque, et ils se 
		 séparent après cette entrevue, d'ailleurs
		 très-courtoise. 
		 
		 Les dragons se retirent sur le chemin du
		 bois Ricard, et les mobiles gagnent la 
		 route d'Amiens . 
		 
		 Tandis que cette rencontre avait lieu
		 au nord de Breteuil, le major de Funcke , 
		 des hauteurs du MontJoie , couvrait de ses
		 obus les défenseurs de la ville, qui,
		 débouchant au sud, entre les routes de
		 Beauvais  et de Clermont , se portaient sur Vendeuil .
		 Cette canonnade força les nôtres à se
		 replier en se couvrant des haies et des bois
		 d'aunes qui bordent la Noyé. 
		 
		 Ils furent suivis par les tirailleurs ennemis,
		 qui, s'étant un peu aventurés, furent 
		 éloignés par une vive fusillade.
		 Mais le major de Funcke  fit avancer sur la route
		 une section d'artillerie, bientôt suivie par
		 ses deux autres pièces, et il dirigea sur
		 l'entrée de la ville un
		
		 tir à mitraille qui éteignit le feu des mobiles 
		 et força les habitants à hisser le drapeau
		 parlementaire au sommet du clocher de l'église. 
		 Le général Senfft , soit qu'il n'ait pas aperçu 
		 ce signal, soit que, séparé du détachement 
		 de Clermont  par la vallée de la Noye, 
		 il n'ait pas été en communication directe avec
		 le major de Funcke , continua pendant plus
		 d'une demi-heure à canonner Breteuil ; 
		 il empêcha ainsi l'infanterie prussienne 
		 d'y pénétrer, et permit aux deux compagnies
		 de la Somme (capitaines Brandicourt  et 
		 Blin de Bourdon ), qui avaient soutenu le 
		 principal effort de la lutte, de se retirer 
		 vers le nord et de gagner Paillart  en 
		 traversant les bois et les marais. 
		 Il était environ une heure et demie lorsque
		 le feu cessa.  
		 
		 Le major de Funcke , pénétrant alors dans
		 Breteuil  qu'il laissa sous la garde d'une
		 compagnie, se mit à la poursuite des nôtres,
		 dont plusieurs furent blessés ou pris. 
		 Le général Senfft , arrivant à son tour, 
		 suivit le major de Funcke  jusqu'au delà
		 d'Esquennoy, et dirigea sur Bonneuil  une
		 très vive canonnade qui se prolongea jusque
		 vers deux heures et demie. 
		 A quatre heures, toutes les troupes allemandes
		 étaient de retour à Breteuil . 
		 Dans cette journée, il y eut du côté de l'ennemi
		 un sous-officier du 18e régiment de uhlans 
		 saxons  mortellement atteint, plusieurs dragons
		 mis hors de combat, et une dizaine de chevaux 
		 tués ou blessés. 
		 De notre côté, les gardes nationaux de Bonneuil 
		 perdirent un homme, et ceux de Blancfossé  
		 eurent trois des leurs grièvement blessés.  
		 
		 Dans la garde mobile de la Somme , il y eut onze
		 blessés, parmi lesquels le capitaine Blin 
		 de Bourdon , et cinquante-quatre prisonniers,
		 dont trois officiers. 
		 Si nos pertes ne
		furent pas plus considérables, il faut certainement
		l'attribuer à un concours fortuit de plusieurs
		circonstances heureuses le brouillard ne permit
		pas à l'ennemi de s'àssurer de la faiblesse 
		numérique de ses adversaires; beaucoup de ses
		obus, tombant dans un terrain détrempé, 
		n'éclataient pas, en sorte que son artillerie
		lui fut de peu d'utilité; enfin le défaut
		d'entente qui régna depuis le début jusqu'à
		la fin de l'affaire entre le détachement 
		de Clermont  et celui de Beauvais , empêcha
		les Saxons de faire usage de leur nombreuse
		cavalerie, qui aurait pu causer de véritables
		désastres aux gardes nationaux et aux mobiles.
 
		Ces derniers se rallièrent dans la soirée à
		Ailly-sur-Noye  quant à l'ennemi, il partit
		de Breteuil  le jour même, vers cinq heures,
		et reprit les routes de Beauvais  et de Clermont .
 
		Si nous quittons la vallée de la Noyé pour
		revenir à celle de l'Epte , nous verrons que 
		le prince Albert , à la suite de son expédition
		à Gournay , avait installé son quartier général 
		à Gisors.  
		
		Les différentes dispositions prises par lui
		dénotaient une intention évidente de se maintenir
		dans sa nouvelle possession; la municipalité 
		de Gisors n'avait pas dû lui fournir moins d'une
		trentaine de guérites pour les sentinelles,
		qui gardaient soigneusement toutes les issues
		de la ville.  
		
		Il avait envoyé sur sa gauche un détachement
		à Magny; en outre, des postes permanents furent
		établis à Dangu et au four à chaux de Thierceville. 
		Dès le 12 octobre, un peloton de uhlans et
		un piquet d'infanterie s'avancèrent jusqu'à
		Etrépagny,où ils désarmèrent la garde nationale
		et levèrent de fortes réquisitions; le 13,
		les patrouilles prussiennes poursuivant le
		désarmement, s'avancent jusqu'à Morgny
	
		et au Thil, où elles rencontrent pour la première 
		fois nos hussards. 
		
		
		
	
	
	 Rencontre d'̣Ecouis (14 octobre)
 Rencontre d'̣Ecouis (14 octobre)  
		
		
		
		
		Dans la matinée du 14 octobre, 
		un détachement		d'infanterie,
		précédé 
		de deux escadrons du 
		1e uhlans de la garde, 
		partait de Gisors dans
		la direction d'Etrépagny. 
		
		Arrivée dans cette dernière ville, la colonne
		ennemie se divise: l'infanterie se porte sur
		Saussaye-la-Vache, 
		pour y couper le chemin 
		de fer départemental
		de Pont-de-l'Arche; 
		la cavalerie, chargée de couvrir cette opération,
		s'avance sur Ecouis et,
		vers midi, prend 
		position à la bifurcation des routes
		de Magny
		et de Gisors. 
		
		Sur notre gauche, les flanqueurs traversent
		rapidement Verclives; 
		sur notre droite, un
		escadron de uhlans, passant
		par Hacqueville
		et Suzay, 
		arrive à
		Saint-Jean de Frenelle;
		là, un peloton se détache et se porte par
		Corny 
		sur les Andelys,
		après quoi l'escadron 
		continue sa marche dans la direction de
		Villerets 
		son avant-garde essuie, en passant
		sur la lisière des bois 
		de Mussegros,
		une
		décharge de la 1e compagnie
		des  tirailleurs	havrais
		(capitaine Jacquot),
		qui fait vider
		les arçons à deux uhlans et suspend un instant
		la marche des autres mais les francs-tireurs
		n'ayant point continué le feu l'ennemi poursuit
		son mouvement tournant
		par Fresne-l'Archevêque
		et Villerets.
		
		Un escadron 
		du 3e hussards 
		(commandant Rey ),
		qui était de grand'garde 
		à Écouis , et dont
		les vedettes en se repliant avaient déjà 
		tiré quelques coups de feu du côté de
		Verclives ,
		se voyant débordé sur sa droite, songe à 
		regagner 
		Grainville . 
		
		Dans ce mouvement de retraite, une douzaine
		de nos cavaliers, commandés par le
		sous-lieutenant Beuve , se
		trouvent tout à
		coup isolés. 
		
		Ils cherchent à rejoindre leur escadron,
	
	
	  lorsque, arrivés à mi-chemin
	  d'Écouis 
	  à Brémule ,
	  au lieu dit la Folie, ils voient la route barrée
	  par les uhlans venus
	  de Villerets . 
	  
	  Malgré l'effrayante disproportion du nombre,
	  le chef de cette petite troupe, suivi de six 
	  des siens, tente résolument de s'ouvrir un passage 
	  à travers les rangs ennemis; mais après avoir
	  déchargé leurs mousquetons, nos hussards 
	  n'ont pas encore eu le temps de mettre le 
	  sabre à la main, qu'ils sont chargés en flanc
	  par un peloton.
	  Tous ces braves tombent criblés de coups:
	  deux sont tués, le sous-lieutenant Beuve  et
	  les autres laissés pour morts.
	  Sans attendre les secours qui pourraient arriver du
	  camp de Grainville , les uhlans de la garde se 
	  retirent à Écouis , où ils ont tait porter quatre 
	  des leurs, tués ou blessés, puis ils reprennent
	  peu de temps après le chemin de Gisors , 
	  ayant enfin trouvé, disaient-ils, dans nos
	  soldats du 3e hussards , des adversaires dignes d'eux.
	  La nouvelle de la rencontre d'Écouis  était 
	  rapidement parvenue à Rouen ; mais, chemin 
	  faisant, cette brillante escarmouche, tout 
	  à l'honneur de nos armes, avait pris les 
	  proportions d'une défaite. 
	  
	  Dans l'après-midi et dans la soirée du 14,
	  l'état-major des gardes nationales avait
	  adressé au Havre  les télégrammes les plus
	  alarmants, tandis que le comité de défense
	  de Rouen  s'occupait déjà de faire élever
	  des barricades.
	  Cependant, peu à peu, l'émotion se calma,
	  et l'on se contenta de porter en avant les
	  troupes dont on pouvait encore disposer.
	  En réalité, il n'y avait pas lieu de s'effrayer 
	  de la rencontre d'Écouis ; car, en opérant
	  ce mouvement en avant, l'ennemi n'avait
	  d'autre but que de couvrir les travailleurs
	  qui coupaient le chemin de fer à Saussaye ,
	  et cette destruction
		 même dénotait, de la part 
		 du prince Albert,
		 des, intentions purement défensives. 
		 
		 Le général Gudin se borna donc à expédier
		 sur l'Andelle  la dernière troupe qu'il eût
		 sous la main;
		 c'était le 2e bataillon de la
		 garde mobile de la Seine-Inférieure, qui 
		 formait la garnison de Rouen .
		 Parti dans
		 la nuit du 14 au 15, ce bataillon alla prendre
		 position à Cressenville, en 
		 avant de Grainville .
		 Les 2e et 3e bataillons de
		 la garde nationale
		 sédentaire de Rouen  avaient été portés, le 12 
		 octobre, sur la ligne
		 de l'Andelle; le
		 commandant général Estancelin  en fit partir 
		 deux autres, les 4e et 5e qu'il dirigea sur Boos .
		 
		
	
	
	 Expédition des Prussiens aux Andelys (15 octobre)
  Expédition des Prussiens aux Andelys (15 octobre) 
 
		 
		 
		 Comme on l'a vu plus haut, l'ennemi, en marchant
		 sur Écouis le 14, avait
		 poussé sur les Andelys
		 un peloton de cavaliers, qui avait pour
		 mission de reconnaître et d'observer le
		 passage de la Seine.
		 Lorsque ces uhlans arrivèrent, le pont venait
		 de sauter derrière une escouade de gendarmes
		 et une section de soldats de ligne qui s'étaient
		 retirés sur la rive gauche. 
		 
		 Les Prussiens quittèrent la ville sans y
		 faire de réquisitions, mais ils revinrent 
		 le lendemain au nombre de 5 à 600.
		 Ce détachement de toutes armes sous les ordres
		 du major baron de Korff, 
		 arriva dans la matinée
		 du 15 en 
		 vue des Andelys et,
		 prit position 
		 sur les hauteurs qui dominent la ville. 
		 
		 L'ennemi avait appris que les mobilisés 
		 étaient convoqués ce jour-là au chef-lieu 
		 d'arrondissement pour la révision, et
		 son intention était de s'emparer d'eux 
		 c'était en effet une belle occasion de
		 faire des prisonniers sans coup férir; 
		 mais le sous-préfet, mis sur ses gardes 
		 par l'excursion de la veille, avait eu
		 le soin de donner contre-ordre. 
		 
		 Voyant que le but de son expédition était
		 manqué le baron de Korff
	
	
	 fouilla lui-même les bureaux de la mairie et 
	de la sous-préfecture, dans l'espoir d'y trouver
	au moins les listes
	 des mobilisés, mais il ne fut pas plus heureux dans
	 ces perquisitions,
	 et il dut reprendre la route 
	 de Gisors, en se
	 contentant d'emmener 
	 le sous-préfet comme otage. 
	 
	 Après avoir eu avec
	 le prince Albert une
	 entrevue dont il a lui-même raconté les détails, 
	 ce fonctionnaire fut reconduit dans la soirée aux
	 avant-postes;
	 il revint, médiocrement enchanté
	 du baron de Korff, gendre 
	 de Meyerbeer, qui parut avoir complètement oublié que son
	 beau-père devait à la France sa réputation et sa fortune.
	 Pendant que le
	 major de Korff s'avançait 
	 aussi jusqu'aux 
	 Andelys, les 
	 uhlans du 3e régiment de la garde, appuyés par
	 un bataillon d'infanterie, 
	 occupaient Magny, et,
	 dans le but
	 de se mettre en communication avec le 
	 général de Rheinbaben
	 sur la rive gauche de la Seine, lançaient 
	 sur Mantes une 
	 première patrouille.
	
	 Embuscades de Fontenay-Saint-Père   (15 et 16 octobre)
  Embuscades de Fontenay-Saint-Père   (15 et 16 octobre) 
 
	 
	 
	 Une dizaine de francs-tireurs en formation ayant à leur
	 tête un ancien militaire, 
	 M. Poulet-Langlet,
	 s'embusquèrent 
	 dans les bois
	 de Fontenay-Saint-Père, 
	 entre ce village et
	 celui de Drocourt, et 
	 le 15 octobre, vers deux heures 
	 de l'après-midi, reçurent à coups de fusil les premiers
	 éclaireurs et leur tuèrent deux chevaux, dont ils blessèrent
	 les cavaliers. 
	 
	 Le lendemain,
	 M. Poulet-Langlet, qui avait
	 pu réunir une vingtaine d'hommes, dresse une nouvelle
	 embuscade; l'ennemi de son côté revient plus nombreux 
	 avec l'intention de venger ses pertes de la veille.
	 Le détachement se compose d'un peloton de uhlans et 
	 d'un piquet d'infanterie au moment où il traverse
	
	
	
le bois de Fontenay-Saint-Père, 
il essuie de nouveau une fusillade qui couche deux uhlans par
 terre, en met plusieurs hors de combat et tue ou blesse un
 assez grand nombre de chevaux. 
 
 Mais les nôtres n'étaient 
 pas en force pour défendre le passage des bois, surtout 
 avec des fusils de chasse; les Prussiens, furieux, se
 précipitent sur le village 
 de Fontenay, tuent cinq pompiers
 qui montaient la garde à l'entrée des rues, et mettent le
 feu aux habitations. 
 
 Le mal que les francs-tireurs isolés
 pouvaient faire à l'ennemi n'était pas, comme on le voit,
 comparable aux représailles que cette guerre d'embuscades 
 ne manquait pas d'attirer sur des habitants et des villages
 inoffensifs.
 
 Les forces du
 prince Albert et du
 comte de Lippe n'étaient
 pas assez considérables pour leur permettre de s'étendre 
 jusqu'à Rouen
 et Amiens, mais
 elles étaient suffisantes
 pour qu'ils pussent se maintenir sur les points qu'ils
 occupaient; et, avec des troupes imparfaitement organisées
 et encore dépourvues d'artillerie, il eût été imprudent
 de notre part de chercher à les en déloger. 
 
 Il n'existait d'ailleurs aucun rapport entre la division
 militaire 
 de Rouen et 
 celle d'Amiens, ni aucun lien
 entre les troupes qui couvraient la Seine-Inférieure et
 celles qui opéraient dans la Somme. 
 
 Déjà les mobiles de
 ce dernier département s'étaientt vus
 repoussés de Breteuil
 le 12octobre; un autre détachement, envoyé quelques
 jours
 après d'Amiens 
 à Montdidier, ne tarda pas à attirer
 l'attention de l'ennemi, qui avait d'ailleurs des 
 griefs sérieux contre cette dernière ville. 
 
 L'état-major saxon avait décidé qu'elle serait soumise
 à une forte contribution, sous
	
le prétexte qu'on y avait arrêté les pourvoyeurs
 de l'armée de la Meuse; peut-être aussi voulaient-ils la punir de
 l'accueil fait quelques jours auparavant au membre du 
 gouvernement de la défense nationale, qui était devenu 
 l'âme de la résistance en province, car les Allemands
 détestaient M. Gambetta, ce qui n'est pas son moindre
 titre de gloire.
 Dès le 11 octobre, des dragons partis
 de Clermont 
 étaient allés reconnaître le terrain, mais s'étant
 approchés de trop près, ils furent mis en fuite par
 les gardes nationaux, qui cherchèrent à leur couper
 la retraite. 
 
 Quelques jours plus tard, la ville fut
 occupée par un détachement (capitaine Comte) 
 du 2e bataillon
 de la garde mobile du Gard, ayant un effectif d'environ
 350 hommes. 
 
 A Montdidier, de même 
 qu'à Gisors, l'autorité
 civile avait encouragé les habitants à se défendre, leur
 promettant des secours suffisants pour résister; mais, 
 le moment venu ils se trouvèrent à peu près abandonnés
 à eux-mêmes.
 
 
 
	
	 Expédition des Allemands à Montdidier  (17 octobre)
 Expédition des Allemands à Montdidier  (17 octobre) 
 
 
 La colonne ennemie en marche sur Montdidier
 le 17 octobre était forte de trois escadrons, d'une 
 compagnie et de quatre pièces, sous les ordres du
 major de Funcke; l'infanterie était montée sur des
 voitures que la cavalerie réquisitionnait le long 
 de là route, de manière à ne pas divulguer le secret
 de l'expédition.
 L'ennemi donnait ainsi un nouveau 
 démenti au dicton de la Noue: "Les armées ne vont pas 
 en poste".
 
 Déjà en 1806, et plus tard, dans son immortelle 
 campagne de 1814, Napoléon avait fait voyager sur des
 chariots les bataillons de sa garde, leur faisant ainsi
 doubler ou tripler les étapes. 
 
 Les élèves du grand Frédéric ne dédaignaient pas les leçons
 de Napoléon. 
 
 Dans la plupart de leurs expéditions, 
 ils firent de ce
	
	
 moyen de locomotion un usage à peu près
 constant : l'infanterie montée : die fahrende infanterie,
 
 suivait la cavalerie, se conformait à son allure et appuyait ces 
 détachements volants qui accomplissaient dans la même
 journée des marches 
 de plus de vingt lieues entremêlées de combats.
 
 Parti de Clermont à six heures du matin,
 le major de Funcke passa
 par Argenlieu, Tricot 
 et Rubescourt, laissa sur ce dernier point 
 un peloton pour observer les routes de
 Saint-Just et de Crèvecoeur,
 et arriva en vue 
 de Montdidier un
 peu avant midi, au moment même 
 où un débat tumultueux s'élevait
 sur la place publique entre les
 diverses autorités, au sujet de la
 défense de la ville. 
 
 Le sous-préfet ayant destitué le maire et pris seul la direction
 de la défense, les mobiles furent placés dans deux rues, 
 d'où il leur était impossible de faire usage de leurs armes, 
 tandis que quelques volontaires se déployaient en tirailleurs
 aux abords de la ville, des deux côtés de la route de Clermont.
 Du côté de l'ennemi, l'artillerie, s'avançant sous la 
 protection des dragons, s'était mise en batterie sur la route
 même, à la hauteur du moulin Maréchal, d'où elle enfilait,
 à une distance très-courte, la
 rue principale de Montdidier
 et la place du Marché.
 Vers midi, elle commença à lancer 
 sur la ville des obus qui portaient à coup sûr. 
 
 Pendant cette canonnade, qui dura environ une demi-heure,
 le drapeau parlementaire avait été arboré à l'hôtel de 
 ville et au sommet du clocher de l'église, mais le major de
 Funcke avait néanmoins continué le feu, dirigeant son tir sur
 la route d'Amiens, afin d'inquiéter la retraite de nos mobiles.
 Après avoir brûlé une cinquantaine de gargousses, le major
 saxon fit son
	
	
	
entrée à Montdidier; arrivé sur
 ]a place publique, 
il y trouva les membres du conseil municipal, prit 
six otages parmi eux,
 et imposa à la villeune contribution de
 guerre de 50000 francs.
 Pendant que l'infanterie brisait le télégraphe, la 
 cavalerie s'était mise à la poursuite des mobiles, qui, pris 
 en tête et en queue, furent en grande partie faits prisonniers:
 171 d'entre eux et quatre officiers restèrent aux 
 mains de l'ennemi.
 Cette courte échauffourée coûta, en outre, la vie à trois 
 habitants inoffensifs deux autres furent blessés, ainsi que
 trois mobiles du Gard.
 Avant quatre heures, la contribution
 de guerre ayant été intégralement payée,
 le major de Funcke
 évacua Montdidier, 
 enlevant avec lui les armes de la garde nationale.
 Ainsi, en suivant dans leurs principales opérations les
 Saxons du 
 comte de Lippe, nous voyons
 que dans la Somme,
 aussi bien que dans la Seine-Inférieure, nos généraux 
 avaient à lutter contre les mêmes difficultés, c'est-à-dire
 contre l'ingérence des comités de défense et des autorités 
 civiles dans la direction des opérations militaires.
 Après ces affaires de Breteuil et
 de Montdidier, les divers
 détachements de l'armée d'Amiens furent concentrés autour
 de la ville, et le général Farre, récemment adjoint au 
 commissaire de la défense nationale dans le nord, va 
 consacrer à leur organisation un temps qui ne sera pas perdu.
	
	 Nouvelle répartition  de nos commandements en province,
 Nouvelle répartition  de nos commandements en province,
 
			nominations et mutations   dans les régions  du nord et de l'ouest. 
 
 
 
 Le ministre de la guerre paraissait en effet avoir compris 
 la nécessité d'une meilleure organisation de nos forces; 
 car, le 17 octobre, il rendit un décret qui divisait la 
 France en plusieurs régions, correspondant à de grands commandements.
 Celui de la région du nord, dévolu au
 général Bourbaki, comprenait la
	
	
	
 3e division militaire, à laquelle on avait joint le département de
 la Seine-Inférieure et l'arrondissement des Andelys. 
 
 Le reste de la 2e division, c'est-à-dire les départements situés 
 sur la rive gauche de la Seine, étaient placés sous les ordres 
 du général d'Aurelle de Paladines, qui fut appelé par le même
 décret au commandement de la région de l'ouest, et presque 
 aussitôt remplacé par le général Fiéreck. 
 
 Cette répartition des commandements ne faisait que consacrer,
 en ce qui concernait la Normandie, les divisions précédemment
 établies par le système de la défense locale: l'armée de Rouen
 ne sera rattachée au commandement du
 général Bourbaki que
 d'une façon purement nominale; la Seine sépare comme un
 obstacle infranchissable les divers corps qui opèrent sur 
 ses deux rives; il n'y aura désormais, comme par le passé,
 aucun lien entre les troupes de la Seine-Inférieure et celles 
 de l'Eure, et ce manque de concert aura dans la suite les
 conséquences les plus funestes.
 
 Pour compléter la série des mesures prises par lui le 17 octobre,
 le ministre de la guerre fit le lendemain des mutations
 et nominations diverses. 
 
 A Rouen, le général 
 de division comte Gudin fut remplacé
 par le général de brigade Briand. 
 
 Dans l'arrondissement du Havre, qui avait été mis en état
 de siège par décret du 7 septembre, le capitaine de
 vaisseau Mouchez succéda au
 colonel Massu,
 et reçut, pour la défense de la place du Havre,
 le commandement supérieur des forces de terre et de mer.
 Le général Gudin visitait
 ses avant-postes de l'Andelle,
 lorsque, dans la nuit du 18 au 19, il reçut le télégramme
 qui lui annonçait son remplacement;
	
	
	
	
 on lui demandait, par la même dépêche,
 s'il acceptait le commandement de la l0e division militaire
 à Montpellier. 
 
 Bien que vivement affecté d'être enlevé d'un poste
 où il avait rendu et pouvait rendre encore les meilleurs
 services, le général répondit que, dans les
 circonstances critiques où se trouvait la France,
 un soldat ne pouvait lui marchander son concours,
 et le ministre de la guerre le remercia immédiatement
 de cette nouvelle preuve de patriotisme. 
 
 La délégation de Tours savait en effet que, sur 
 le champ de bataille, le
 général Gudin, ce volontaire
 de 1870 qui avait fait ses débuts à Waterloo, 
 soutiendrait dignement l'éclat d'un nom illustre,
 gravé sur l'arc de triomphe de l'Étoile.
 Il n'y avait rien à critiquer aux dispositions prises par
 lui pour la défense de Rouen, dispositions auxquelles ceux 
 qui lui ont succédé n'ont absolument rien changé.
 Ce vieux soldat, tout à fait étranger à la politique,
 ne songeait qu'au salut de son pays; il était entièrement
 occupé de créer l'artillerie qui lui manquait et d'organiser
 des troupes, quand il fut tout à coup sacrifié aux
 répugnances de quelques agitateurs qui passaient leur
 temps à faire des manifestations loin de l'ennemi.
 C'était pour éviter des conflits que le gouvernement
 de la défense nationale avait réuni dans les mêmes 
 mains les portefeuilles de l'intérieur et de la guerre. 
 
 Le sol national se trouvant envahi, il était nécessaire,
 en effet, que l'autorité militaire primât l'autorité
 civile mais c'était précisément l'inverse qui avait 
 lieu; l'état de guerre et l'état de siège n'étaient 
 plus que de vains mots; la passion l'emportait sur 
 la raison, et les délégués du gouvernement se 
 laissèrent dominer
	
	
 par la multitude, qui réclamait 
]a soumission de l'élément militaire à l'élément civil,
 et la subordination des généraux aux préfets,
 aux maires, aux comités de défense.
 C'est sur ces exaltés qu'il faut faire retomber 
 la responsabilité de nos désastres dans la dernière
 partie de la campagne.
 Ils prétendaient appliquer
 les traditions de la première République, et ils
 ne nous ont fait voir, hélas! que la misérable 
 parodie de cette grande époque.