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La guerre dans l'ouest : campagne de 1870-1871
| Chapitre 3 | 
Suite des entreprises de la cavalerie ennemie sur l'Eure et sur l'Oise
 
      
         Source : L. Rolin.
          
         
          
 
      	
	 Situation militaire de la Normandie à la fin du mois de   septembre
 Situation militaire de la Normandie à la fin du mois de   septembre 
 
	La présence des Allemands à Mantes 
	et à Beauvais
	avait semé au loin l'effroi parmi les populations de la
		Normandie, et l'alarme était grande dans les départements 
	d'Eure-et-Loir, de l'Eure et de la Seine-Inférieure,
	qui se sentaient de plus en plus menacés,
	et qui allaient avoir à subir d'un jour à l'autre les 
	incursions et les déprédations des fourrageurs ennemis.
	
	Ces craintes n'étaient que trop fondées, et la situation
	était devenue des plus sombres dans les derniers 
	jours de septembre, au moment où la France, après 
	d'irréparables désastres, apprenait encore la chute
	de Toul
	et celle de Strasbourg.
	La capitale, 
	étroitement investie, ne pouvait songer qu'à elle-même;
	la province, abandonnée à ses propres ressources, était
	réduite à se débattre dans la confusion et l'impuissance,
	et se trouvait désormais livrée à tous les 
	hasards et à tous les périls de la résistance locale.
 
	
	
	 Déjà l'Empire, ayant risqué sa dernière armée et à
	 la veille de s'écrouler, avait fait appel à son armée
	 administrative pour la création de nos réserves. 
 
	 Le
	 ministre de l'intérieur reçut la mission de réunir en 
	 quelques heures, au moyen du télégraphe, les
	 ressources que le ministre de la guerre avait eu des 
	 années pour organiser.
 
	 Les préfets furent chargés
	 de convoquer la garde mobile, de pourvoir à son
	 habillement, à son équipement, à son armement et
	 à sa solde, de favoriser la formation des corps francs, 
	 et d'activer celle des compagnies de marche de la 
	 garde nationale.
 
	 Des fonctionnaires civils, remplissant 
	 des fonctions analogues à celles de nos inspecteurs
	 généraux, furent envoyés en province pour
	 s'assurer de l'exécution des mesures prescrites. 
   
  
	 
	
	 
	 
	 
	 
	 Cette 
	 mission fut dévolue, pour la Normandie, à M. 
	 le conseiller d'État Oscar de Vallée, dont la tournée se
	 trouva interrompue par la nouvelle de la catastrophe
	 de Sedan. 
 
	 Ce qui restait en France d'anciens militaires 
	 subit avec tristesse, mais avec résignation, les 
	 inspections et les revues de ces personnages civils.
 
	 
	 Si seulement on s'était borné à se servir de notre 
	 machine administrative pour habiller, soigner et
	 ravitailler les divers contingents, peut-être que l'on eût 
	 pu tout réparer; mais, au lieu de s'occuper exclusivement 
	 d'administration, les autorités civiles prétendaient
	 s'immiscer dans la direction militaire, 
	 imposer des plans et ordonner des mouvements; les 
	 généraux et les chefs de corps, au lieu d'avoir à
	 songer uniquement à leurs troupes, sont forcés de 
	 compter avec les préfets, les maires et les conseils
	 municipaux, qui, loin de les aider, les contrecarrent,
	 leur enlèvent toute initiative, et par là même le 
	 
	 
	 sentiment de leur propre responsabilité.
 
	 Au moyen des ressources qu'il a créées, chaque département, dans
	 un esprit	 d'égoïsme aussi absurde qu'étroit, veut
	 essayer de protéger ses confins 	 comme une nouvelle 
	 frontière; 
 
	 les arrondissements imiteront l'exemple des
	 départements,	 et nos forces, au lieu de se concentrer,
	 vont se trouver éparpillées sur tous les points.
 
	 Comme l'Empire, le gouvernement de la défense 
	 nationale ne sut pas se dégager des préoccupations
	 politiques; c'est pour ce motif qu'il patronna ce funeste
	 système de défense sur place, et la formation de ces 
	 innombrables comités de défense, d'initiative ou de
	 vigilance, dont l'action a si souvent paralysé celle
	 de nos généraux. 
 
	 
	 Ces divers comités étaient composés 
	 de gens étrangers pour la plupart aux connaissances
	 militaires, et qui avaient néanmoins la voix 
	 prépondérante.
 
	 Des avocats, des médecins, des pharmaciens,
	 qui n'auraient pas manqué de crier haro
	 s'ils avaient vu des officiers plaider le mur mitoyen, 
	 prescrire des médicaments ou manipuler des pilules,
	 étaient les premiers à fouler aux pieds l'antique
	 maxime : "Chacun son métier ".
 
	 Abusés par la légende de 1792, ils croyaient à l'improvisation des
	 armées, et proclamaient qu'il n'était pas nécessaire
	 d'avoir moisi plusieurs années dans une caserne pour
	 défendre son pays; ils se figuraient qu'un homme est
	 un soldat, et que l'élan et la passion suffisent à tout 
	 et remplacent tout, l'ordre, l'autorité, la discipline, 
	 le nombre, et même le canon.
 
	 Avec de tels stratégistes, nos provinces de l'Ouest
	 se trouvaient condamnées à l'isolement.
 
	 Elles étaient presque complétement dépourvues de troupes
	 régulières mais, sous l'imminence du danger, il s'était
	 
	  
	  
	 
	 produit chez elles un grand mouvement patriotique :
	 les	 volontaires se multipliaient, chacun voulait se 
		défendre, et chacun cherchait un fusil; mais par 
		malheur les armes faisaient défaut, et, plus encore 
		que les armes, les institutions militaires, qui forment
		à l'avance les bras capables de les manier, et qui 
		sont le plus sûr boulevard de l'indépendance d'une nation.
 
	Par suite du manque de direction militaire, nous 
	n'aurons guère à étudier dans le cours de cet ouvrage
	que des opérations toutes locales, ne se rattachant à
	aucun plan d'ensemble ; nous allons donc suivre
	successivement, sur chaque rive de la Seine, les efforts
	isolés qui vont être faits pour tâcher d'opposer une 
	digue au flot sans cesse grossissant de l'invasion.
 
	
	
	
	
	
	 Corps du général Gudin dans le département de la Seine-Inférieure
  Corps du général Gudin dans le département de la Seine-Inférieure 
 
	Sur la rive droite, à Rouen, commandait le général 
	de division comte Gudin, fils de l'illustre Gudin, tué
	à Valoutina ; (...) 	sorti spontanément du cadre de réserve pour 
	offrir à son pays le secours d'un bras plus que
	septuagénaire et l'exemple du patriotisme, était venu
	reprendre le commandement de la 2e division militaire, 
	qu'il avait longtemps et dignement exercé.
 
	C'était un homme d'une activité et d'une énergie vraiment
	surprenantes pour son grand âge, qui jugeait la situation 
	froidement, sans illusions, mais sans faiblesse.
 
	Il voyait clairement qu'en voulant se défendre de tous
	côtés, on n'arrêterait l'invasion nulle part; aussi 
	était-il d'avis de temporiser, convaincu que chaque 
	jour écoulé était un jour de gagné sur l'ennemi.
 
	D'ailleurs, les forces dont il disposait étaient des 
	plus restreintes ; le noyau en était formé par deux
	régiments de cavalerie échappés de Sedan et arrivés
	
  
 
 
	à Rouen dans les derniers jours de septembre. 
 
	
	II y avait, en outre, deux bataillons de marche de la ligne 
	en formation dans la 2e division militaire; mais ces
	corps se composaient, en grande partie, de jeunes 
	soldats de la classe de 1870, appelés dans les dépôts 
	dans la seconde quinzaine de septembre; il fallait 
	le temps de les instruire, et ils ne furent en état de 
	prendre la campagne que vers la fin du mois suivant.
 
	Le gros des forces du général Gudin se composait 
	de douze bataillons de mobiles, mal habillés, 
	peu ou point équipés, n'ayant que des chaussures de
	carton ou des vêtements d'amadou, (...) ; 
	tous armés de fusils transformés modèle 
	1867, dits à tabatière, armes défectueuses, d'une
	faible portée, d'une justesse médiocre, très-sujettes
	à se détraquer, sans pièces de rechange, et en grande
	partie hors de service.
 
	Telles étaient les troupes que,
	sur la rive droite de la Seine, le général Gudin 
	pouvait opposer aux détachements du comte de Lippe  
	et du prince Albert, qui, opérant de concert, avaient 
	sous leurs ordres six bataillons, seize escadrons et
	trente canons, c'est-à-dire sept à huit mille hommes
	de troupes aguerries, exaltées par le succès, éclairées 
	par une nombreuse cavalerie, et pouvant, en cas d'attaque,
	se concentrer rapidement sur le même point.
 
 
	A côté du général Gudin,
	à Rouen, 
	M. Estancelin,
	ancien député, avait reçu du gouvernement le commandement
	supérieur des gardes nationales dans les
	départements de la Seine-Inférieure, du Calvados
	et de la Manche, avec la mission de les habiller, de
	les armer, de les organiser et d'utiliser leurs services.
 
	M. Estancelin s'était aussitôt mis à l'oeuvre,
 
 
	avec un dévouement d'autant plus méritoire qu'il
	n'avait autour de lui aucun militaire apte à le seconder, 
	et qu'il rencontrait à chaque pas des difficultés 
	de toute sorte. 
 
	
	Dissoute dans presque toutes les villes
	de France, la garde nationale avait été maintenue à
	Rouen et à 
	Elbeuf, où elle formait une légion bien
	organisée; mais dans le reste du département de la 
	Seine-Inférieure et dans ceux du Calvados et de la 
	Manche, il n'était guère possible de compter sur un
	concours efficace des gardes nationaux volontaires
	avant que les compagnies de marche fussent formées.  
 
	
	Le grand génie guerrier des temps modernes, (Napoléon Ie), 
	écrivait "Il ne faut pas que les gardes nationales
	aillent se mettre par quinze cents devant
	l'ennemi, sans ordre.	Elles y vont, il est vrai, mais
	elles en reviennent bien plus vite".
 
	Le général Gudin connaissait l'opinion de Napoléon Ie  sur la 
	garde nationale, et se serait bien gardé d'épuiser,
	en les employant prématurément, les ressources que
	pouvait fournir plus tard cette milice, lorsqu'elle 
	aurait été réunie et exercée.
 
	Avec des moyens aussi restreints, il ne pouvait faire qu'une seule chose,
	gagner du temps pour instruire et discipliner ses
	jeunes troupes, pour organiser un peu d'artillerie,
	car il ne possédait pas un canon, et enfin pour
	permettre aux fortifications du Havre de s'élever et de
	s'armer; car le Havre était son seul point d'appui, 
	et, en cas d'échec ou devant des forces supérieures, 
	il avait l'ordre du ministre de se retirer sur cette
	place.
 
 
	La ville de Rouen, dont les maisons sont en grande
	
 
	partie construites en bois, est dominée à une très
	petite distance par une série de hauteurs qui 
	l'entourent de toutes parts sur la rive droite de la Seine, 
	et n'est pas défendable avec la portée actuelle de 
	l'artillerie, à moins d'avoir des troupes nombreuses 
	et solides pour occuper sérieusement la crête des coteaux.
 
	La défense immédiate de Rouen avec le
	peu de troupes novices que possédait le général  Gudin,
	eût amené inévitablement la destruction d'une
	des plus grandes cités commerciales de France, 
	la perte de sa garnison, et cela sans résultat utile pour
	l'ensemble de la défense du territoire.
 
	Aussi le plan du général était-il d'occuper la vallée de l'Andelle,
	la foret de Lyons et le pays accidenté qui s'étend 
	depuis Gournay  jusqu'à Neufchâtel , en portant
	successivement sur cette ligne les bataillons organisés 
	au fur et à mesure qu'ils lui arriveraient.
 
	Ce terrain couvert, coupé, boisé, était un champ de bataille
	très-favorable pour former des débutants, les 
	Allemands ne pouvant y déployer les deux armes qui
	leur donnaient la supériorité, la cavalerie et 
	l'artillerie. 
 
	
	Là on pouvait, non point les provoquer, mais
	les attendre ; aguerrir nos jeunes troupes en leur
	faisant surprendre les reconnaissances ou les partis
	ennemis qui se présenteraient à leur portée, et, en
	cas d'attaque par des forces supérieures, se retirer, 
	selon les circonstances, sur le Havre  par la rive
	droite de la Seine, ou par la rive gauche au moyen
	des ponts conservés intacts.
 
	Les nombreux comités locaux de défense qui 
	avaient, eux aussi, leurs plans particuliers et leur
	stratégie de clocher, ne se firent pas faute de
	critiquer les dispositions prises par le général Gudin ;
 
 
	dans l'arrondissement des Andelys , qui se trouve 
	séparé par la Seine du reste du département de
	l'Eure, on pressait très-vivement le général de
	s'établir sur la ligne de l'Epte, qui formait autrefois la
	limite entre la Normandie et l'Ile-de-France.
	De cette façon, il est vrai, nos troupes, au lieu d'être 
	adossées à une rivière, eussent été couvertes par une 
	autre; mais l'Epte, qui prend sa source au même
	point que l'Andelle , a un développement de plus de
	vingt lieues, et en outre, dans son cours inférieur,
	elle arrose un pays à peu près découvert, le pied 
	des plateaux du Vexin; elle offrait donc une ligne plus
	étendue, plus éloignée et beaucoup moins favorable 
	que l'Andelle.
	D'ailleurs il est probable que si le 
	général Gudin s'était porté sur l'Epte, d'autres lui
	auraient conseillé de s'avancer jusqu'à l'Oise; mais
	se hasarder si loin avec des troupes si peu nombreuses 
	et si novices, c'était appeler l'attention de
	l'ennemi, aller bénévolement au-devant d'un échec 
	certain, et découvrir du même coup, non-seulement
	l'arrondissement des Andelys,
	mais encore Rouen  
	et la Seine-Inférieure, qui avaient bien aussi leur
	importance et qu'il s'agissait particulièrement de
	protéger.
	Le général s'en tint donc avec fermeté au plan 
	qu'il avait conçu, plan qui était le seul raisonnable,
	le seul sérieux, et le seul qui serait probablement 
	adopté aujourd'hui par tout chef militaire placé dans
	les mêmes conditions.
	Dans les derniers jours du mois de septembre, les
	troupes dont le général Gudin disposait sont ainsi
	réparties : 
	
	à Fleury-sur-Andelle,
	le 12e régiment de chasseurs ;
	
	à Charleval, le 2e bataillon de la garde 
	mobile des Hautes-Pyrénées ; 
	
	à la Feuillie, le 8e bataillon
 
 
	du Pas-de-Calais ; 
	
	à Gournay,
	deux escadrons	du 3e régiment de hussards, 
	le 1e bataillon de la garde mobile du Pas-de-Calais  
	et le 4e de l'Oise  ;
 
	
	à Argueil,
	le 1e bataillon des Hautes-Pyrénées ; 
	enfin le
	1e bataillon de l'Oise
	est dirigé sur Formerie .
 
	Les 1e et 2e bataillons des Landes, arrivés depuis
	quelques jours à Rouen, achèvent de s'y former; les
	2e et 3e bataillons de l'Oise
	et le 2e de la Seine-Inférieure 
	sont employés aux travaux de défense et à 
	l'armement de la place du Havre. 
	
	Si nous ajoutons aux troupes que nous venons d'énumérer
	les bataillons de marche de la ligne en formation dans les
	dépôts, nous aurons l'ensemble des forces placées sous
	les ordres du général Gudin au 1e octobre, soit
	deux régiments de cavalerie, deux bataillons de 
	marche de la ligne en formation, et onze bataillons de
	mobiles; en tout, 13 à 14 mille hommes sans artillerie.
	
	
	
	 Corps du général Delarue dans le département de l'Eure
 Corps du général Delarue dans le département de l'Eure 
 Sur la rive gauche de la Seine, à Evreux, 
	le général Delarue, commandant la subdivision
	territoriale, était chargé de la défense du
	département de l'Eure, car le délégué du ministre
	de la guerre avait réparti pour la défense les
	départements en deux zones, la première comprenant
	ceux qui se trouvaient en contact immédiat avec
	l'ennemi.
 
	Vers le 20 septembre, le général 
	Delarue avait reçu pour instructions d'évacuer
	Évreux dès que l'ennemi s'en approcherait, 
	et de replier ses troupes sur Serquigny, 
	point stratégique qu'il devait défendre autant
	que possible, ainsi que la ligne du chemin de fer,
	qui restait dans ce cas la seule communication 
	libre avec Rouen et le nord de la France.
 
	
	A cette date, le général Delarue 
	n'avait à sa disposition 
	
 
	
	que le 39e régiment de la garde mobile de
	l'Eure et le 1e régiment des Éclaireurs de la Seine,
	formant ensemble un effectif de moins de 4000 
	hommes, sans cavalerie ni artillerie.
 
	Le département de l'Eure faisant partie de la 2e division militaire,
	le général Delarue se trouvait sous les ordres du général 
	Gudin ; mais il était en réalité dans la dépendance 
	des comités de défense de son département, lesquels,
	comme on sait, prétendaient ne dépendre de
	personne. 
 
	
	L'action des départements de la Seine-Inférieure
	et de l'Eure se trouva ainsi presque complétement
	isolée dès le début ; le commandant de la 
	division militaire ne s'occupait de ce qui se passait au
	delà de la Seine que parce que Rouen pouvait être attaqué de ce côté.
 
	Avant de revenir sur la rive droite
	de ce fleuve, nous allons raconter en peu de mots les 
	événements qui se sont déroulés sur la rive gauche à
	la fin de septembre et dans les premiers jours d'octobre.
	Retournés à Vernon à la suite de leur première 
	apparition à Mantes le 22 septembre, les Éclaireurs 
	de la Seine, formant deux bataillons, allèrent
	s'établir le lendemain dans la forêt de Rosny; le 25, ils
	s'avancèrent jusqu'à Magnanville, et le 28, ils
	occupèrent Mantes, chassant devant eux les éclaireurs 
	prussiens.
	Ce jour-là, un des leurs, le capitaine Guillaume 
	explorant les environs à la tête d'une
	patrouille, surprit dans la cour d'un moulin d'Epône
	quelques cavaliers qu'il dispersa; il s'empara de leurs 
	chevaux, qu'il ramena, aux grands applaudissements
	des habitants de Mantes qui le virent rentrer dans cet
	équipage. 
	
	Le 29, les Éclaireurs de la Seine allèrent 
	camper à Maule, en arrière de la petite rivière de la
	
	
 
	Mauldre et de la forêt des Alluets, opposés aux 
	fourrageurs ennemis de la 5e division de cavalerie, dont
	le quartier général se trouvait à Saint-Nom, et qui,
	depuis l'expédition de la brigade de Brédow contre
	Mézières, était concentrée à
	Saint-Germain, sur la
	lisière de la forêt de Marly. 
	
	Les francs-tireurs furent suivis dans ce mouvement
	par des gardes nationaux sédentaires.
	Depuis le 20 septembre, un piquet d' éclaireurs à cheval de 
	la garde nationale
	de Rouen (sous-lieutenant
	Lequeux-Muston) avait exploré la rive droite de la 
	Seine, en passant par Fleury-sur-Andelle, Etrépagny 
	et Magny.
	En l'absence de toute cavalerie régulière,
	ces volontaires avaient rempli leur mission avec
	une Intelligence et une activité remarquables, donnant
	fréquemment de leurs nouvelles et tenant la 
	population, alors si anxieuse, au courant de la marche de
	l'ennemi.
	Ils furent rejoints peu de temps après par 
	une colonne sous les ordres du commandant général 
	Estancelin; elle se composait d'un autre piquet de
	cavaliers et d'éclaireurs à cheval 
	de Rouen et d'Elbeuf,
	du dépôt de la garde mobile de la Seine-inférieure, et
	d'environ sept cents volontaires du 1e bataillon de la
	garde nationale de Rouen 
	(commandant Rondon).
	
	
	
	
	
	 Excursion de la garde 	  nationale de Rouen à Mantes  (29 septembre)
 Excursion de la garde 	  nationale de Rouen à Mantes  (29 septembre) 
Transportées par le chemin de fer, ces troupes firent
	leur entrée à Mantes 
	le 29 septembre, peu d'heures
	après que les Éclaireurs de la Seine  en étaient partis.
	Après avoir poussé une pointe en chemin de fer 
	jusqu'à Meulan,
	de concert avec les  tirailleurs havrais 
	de la 1e compagnie qui se trouvaient dans ces 
	parages, et exploré quelques localités entre Mantes
	et
	Mézières
	sans rencontrer l'ennemi, la colonne
	expéditionnaire, couverte par les francs-tireurs, reprit le		
		
		
 
	soir même le train qui l'avait amenée, et passant par 
	Louviers et Elbeuf,
	fit sa rentrée à Rouen le 2 octobre.
	
	
 
	
	 Entreprises du détachement de Bredow sur la rive gauche de la Seine
  Entreprises du détachement de Bredow sur la rive gauche de la Seine
"C'était incontestablement une expédition aventurée",
	comme l'a plus tard avoué celui qui la dirigeait ; 
	en effet, si elle avait été différée de vingt-quatre
	heures seulement, le commandant général Estancelin
	se serait trouvé en face du général de Bredow , 
	qui, à la tête d'une colonne composée du 13e 
	régiment de dragons, de deux escadrons du 16e uhlans , 
	de six compagnies d'infanterie bavaroise  et d'une
	batterie d'artillerie, s'apprêtait à faire de son côté une
	expédition contre Mantes, afin de purger la contrée 
	des francs-tireurs qui l'occupaient. 
	
	Les deux bataillons des Éclaireurs de la Seine  
	(commandant de Faby),
	arrivés à Maule le 29, s'étaient 
	répandus aux environs, notamment à Ecquevilly, où 
	ils tirèrent sur une patrouille du lOe hussards , à
	laquelle ils prirent un homme et deux chevaux, et aux
	Alluets , où deux cents des leurs environ passèrent la
	nuit : aucune troupe française ne devait s'approcher
	aussi près de Paris  pendant l'investissement.
  
	
	 Rencontre 	  des Alluets (30 septembre)
  Rencontre 	  des Alluets (30 septembre)
Le 30, vers six heures du matin, on signala la présence d'une
	patrouille; c'étaient trois dragons du 13e régiment
	de Schleswig-Holstein  qui se dirigeaient sur les
	Alluets au pas de leurs montures. 
	
	Embusqués derrière
	des murs, les francs-tireurs les attendirent et les
	reçurent par une décharge qui tua un cheval et blessa
	mortellement un cavalier. 
	
	Le même jour, vers onze
	heures, l'avant-garde du général de Bredow 
	vint
	prendre position à l'est du village, à une distance de
	plus de deux kilomètres, et se mit en devoir de le
	
	
 
	bombarder et de l'incendier, tout en fouillant de ses 
	obus les bois où les éclaireurs s'étaient réfugiés. 
	
	Ceux ci, bien que hors de portée, ripostèrent par une 
	fusillade qui eut pour résultat de maintenir à distance 
	l'infanterie bavaroise. 
	
	Pendant près de trois heures
	l'artillerie ennemie ne cessa de tonner, et plus de cent
	obus tombèrent sur les Alluets,
	où ils mirent le feu
	à une grange et endommagèrent plusieurs habitations.
 
	
	Les nôtres, qui couraient risque d'être enveloppés 
	dans les bois, furent avertis par les gens 
	du pays, qui leur servirent de guides, et ils se
	retirèrent, sans cesser de tirailler,
	par Ecquevilly 
	et par 
	Mareil-sur-Mauldre .
	L'ennemi en les poursuivant
	lança encore une douzaine.d'obus sur le village
	d'Herbeville , et brûla,
	à la Falaise , la maison d'un paysan
	pris les armes à la main.
	A la suite de cet engagement,
	qui ne causa d'autre perte à l'ennemi que 
	celle du dragon tué le matin, et aux nôtres qu'une 
	seule blessure sérieuse, les Prussiens occupèrent
	Maule,
	et les Éclaireurs de la Seine
	se replièrent sur
	Mantes , où ils arrivèrent à la nuit.
	
 
	
	
	 Occupation de Mantes (le octobre). Rencontre d'Aigleville (5 octobre)
 Occupation de Mantes (le octobre). Rencontre d'Aigleville (5 octobre) 
Dans la matinée du lendemain, 1e octobre, le général de Bredow fit
 son entrée à Mantes  à la tête de la colonne dont nous
 avons donné plus haut la composition, et qui pouvait
 être forte d'un peu plus de 2000 hommes.
 Les Éclaireurs de la Seine, rejoints 
 par des francs-tireurs de Rouen  et
 du Havre , venaient de quitter la ville
 quelques heures auparavant et n'eurent que le temps 
 de se retirer à Dammartin , pour se rabattre pendant
 la nuit suivante dans la direction de Vernon  et de
 Louviers. 
 
 Il ne restait plus pour couvrir Évreux  de ce côté 
 que la garde mobile de l'Eure.
 Dès le 22 septembre,
 
 
 
	
	le 1e bataillon avait été envoyé à Vernon, avec l'ordre
	d'occuper la forêt de Bizy.
	Le 2 octobre, le 3e
	bataillon du même département fut dirigé d'Evreux sur
	Pacy, avec mission de harceler l'ennemi qui occupait
	Mantes et de le gêner dans ses réquisitions, mais 
	il avait l'ordre de se retirer devant des forces
	supérieures, en se conformant aux instructions contenues
	dans la circulaire ministérielle du 21 septembre sur
	l'emploi de la garde mobile. 
	
	Le 3, sur l'ordre du
	lieutenant-colonel d'Arjuzon, commandant le 39e
	régiment de la mobile de l'Eure, les 1e et 3e bataillons
	se réunirent à Chaufour, et poussèrent une
	reconnaissance jusque près de Bonnières, après quoi ils
	reprirent les positions qu'ils occupaient
	précédemment.
	Dans la matinée du 4 octobre, la 2e compagnie
	du 1e bataillon (capitaine de Saint-Foy), envoyée de 
	Port-Villez en reconnaissance 
	vers Bonnières, s'y 
	trouva tout à coup en présence du gros du détachement
	ennemi venu de Mantes; elle eut à essuyer 
	le feu de son artillerie, et dut se replier sur Vernon,
	d'où la garnison se retira peu de temps après sur
	Gaillon et Louviers. 
	
	Après avoir fait incendier et détruire
	la gare de Bonnières, sous le prétexte qu'on avait 
	tiré quelques coups de fusil sur ses éclaireurs du
	haut d'une locomotive blindée, le général de Bredow 
	se porta dans la direction de Pacy.
	Le commandant
	Power, chef du 3e bataillon qui occupait cette ville,
	fut informé que l'ennemi s'était dirigé sur Bréval, et
	il apprit sa présence à Bonnières.
	Menacé ainsi de
	deux côtés, il prit ses dispositions en vue d'une
	attaque qui devenait imminente.
	Il fit occuper Saint-Chéron
	par trois compagnies, en plaça deux autres
	dans les bois qui se trouvent en avant de
	Pacy, le long	
		
		
		
 
	de la route de Bonnières,
	et laissa les deux dernières
	en réserve dans la ville.
	Avant que les deux compagnies
	envoyées dans la forêt eussent le temps
	de prendre position, une trentaine de dragons prussiens
	arrivèrent jusqu'au poste établi en avant de Pacy,
	mais ils rebroussèrent immédiatement à la vue des 
	mobiles.
	Dans la soirée, le commandant Power rassembla
	les deux compagnies restées en réserve et
	rejoignit celles qui se trouvaient déjà dans la forêt
	avec le lieutenant-colonel d'Arjuzon. 
	
	Le 5, avant le 
	jour, ces quatre compagnies, auxquelles s'étaient joints
	quelques volontaires des environs, furent postées à 
	la lisière du bois, sur le territoire
	d'Aigleville.
	
	Vers dix heures l'ennemi parut. 
	
	Ce furent d'abord
	quelques éclaireurs qui tournèrent bride après avoir
	essuyé une décharge; puis une assez
	forte avant-garde de cavalerie, soutenue par un détachement
	d'infanterie dont le feu prenait en flanc nos tirailleurs.
	A plusieurs reprises les dragons se mirent en devoir
	de charger, mais ils essuyèrent une fusillade nourrie 
	qui les força de tourner bride.
	Peu de temps après
	on entendit sur la route le roulement de l'artillerie
	qui arrivait avec le gros de la colonne.
	Le colonel 
	d'Arjuzon,
	voyant qu'il avait affaire à un corps de
	toutes armes et supérieur en nombre, s'abstint de
	s'engager et donna le signal de la retraite, qui 
	s'effectua par Ménille et par le pont de
	Cocherel.
	Cependant le général de Bredow,
	après avoir fouillé 
	la forêt à coups de canon, s'était porté rapidement
	vers Pacy;
	puis, apercevant les mobiles dans 
	Ménille,
	il dirigea son feu de ce côté; mais les maisons
	seules eurent à en souffrir, et les compagnies qui
	s'y trouvaient purent gagner Évreux
	sans avoir à 
		
		
		
 
 
	déplorer aucune perte.
	Les volontaires furent moins 
	heureux dans le mouvement de retraite, un garde
	national d'Evreux fut pris et massacré par la
	cavalerie.
	Trois habitants de Pacy, qui s'étaient avancés 
	en curieux et sans armes, trouvèrent également la
	mort aux portes de la ville.
	Quant au détachement
	de Saint-Chéron, il se retira sans coup férir et ne
	perdit qu'un caporal isolé, qui, rencontré par
	quelques cavaliers, fut blessé et fait prisonnier. 
	
	Bien que cette rencontre n'ait occasionné à l'ennemi,
	s'il faut l'en croire, que des pertes nulles ou
	insignifiantes, le village d'Aigleville faillit 
	être incendié : 
	l'ordre en avait été donné, et plusieurs fantassins,
	la torche au poing, n'attendaient plus que le signal,
	lorsqu'une domestique du château, Bavaroise 
	d'origine, parvint à adoucir la férocité de ses
	compatriotes.
	La présence de l'ennemi à Pacy, connue aussitôt à
	Evreux, y causa une panique des plus vives.
	Le colonel Cassagne, qui avait remplacé la veille
	le général Delarue dans le commandement de la 
	subdivision de l'Eure, eut d'abord l'intention
	de tenter un retour offensif et de reprendre
	ses positions mais l'ennemi ayant occupé Vernon
	dans la même journée et paraissant menacer
	Evreux de deux côtés, cette ville fut abandonnée
	dans la nuit du 5 au 6, les divers
	services administratifs et le matériel de la gare
	évacués précipitamment, et les troupes dirigées
	sur Serquigny.
	Le 6, le général de Bredow lança dans la direction
	d'Evreux et 
	de Vernon de forts détachements
	de réquisition qui ne rencontrèrent plus aucune
	résistance; il réunit ainsi de grandes provisions,
	consistant principalement en farines, bestiaux,
 
 
	avoine et fourrages, qu'il dirigea aussitôt sur les
	magasins de l'armée d'investissement. 
	
	
		
	
	 Entreprises des Allemands sur la ligne de Chartres
 Entreprises des Allemands sur la ligne de Chartres   
 Pendant ces entreprises du
	détachement de Bredow
	sur la rive gauche de la Seine, la 6e division 
	de cavalerie (général-major duc 
	de Mecklembourg-Schwerin),
	qui opérait à la gauche de la 5e, s'avançait sur
	Chartres en suivant la ligne
	de Paris
	à Rambouillet.
	
	 Embuscades et massacres 	  de Saint-Léger-aux-Bois (1-2 octobre)
 Embuscades et massacres 	  de Saint-Léger-aux-Bois (1-2 octobre) 
  
	
	
	Le 1e octobre, une patrouille du
	16e hussards de 
	Schleswig-Holstein tentait de se mettre en 
	communication avec le
	général de Rheinbaben;
	entre Saint-Léger-aux-Bois et 
	Condé-sur-Vègre, au
	lieu dit les Pins-du-Phalanstère,
	elle tomba dans
	une embuscade dressée par des gardes nationaux des
	communes voisines et des francs-tireurs de
	Saint-Léger, et elle eut deux cavaliers tués et
	cinq blessés. 
	
	Dans ce pays couvert de forêts, les paysans
	s'étaient organisés pour inquiéter l'ennemi,
	et chaque jour ses fourrageurs étaient reçus
	à coups de fusil.
	Pour mettre fin à cette résistance,
	le duc  de Mecklembourg donna l'ordre à un
	bataillon du  11e régiment bavarois
	"de Tann" de faire une battue dans la forêt. 
	
	Dans la matinée du 2 octobre, les Bavarois
	cernèrent la commune de Poigny
	et se mirent en
	devoir de fouiller les bois.
	Aux abords de l'étang de la Cerisaie, ils 
	égorgèrent froidement deux bergers dans la
	hutte desquels ils avaient trouvé un vieux 
	fusil. (...).
	A Saint-Léger-aux-Bois, pour venger les 
	pertes essuyées la veille par les hussards,
	ils pendirent le maire par son écharpe à
	la porte de sa mairie, 
	
	
	
 
	
	 fusillèrent un garde national et emmenèrent seize 
	 habitants comme otages. 
	 
	 Deux de ces malheureux, 
	 effrayés, essayent de fuir; ils sont impitoyablement
	 massacrés; l'un d'eux, lorsqu'il reçut le coup mortel,
	 tenait ses deux enfants par la main.
	 Là encore, les
	 meurtriers branchèrent les cadavres de leurs 
	 victimes, supplice que les bourreaux du moyen âge
	 réservaient aux voleurs de grands chemins.
	 Un récit allemand de la dernière guerre,
	 récit illustré, dans
	 lequel la plume rivalise souvent avec le crayon pour
	 l'extravagance, nous apprend le nom de celui qui
	 présidait à l'exécution de ces hautes-œuvres.
	 C'était le
	 major de Beumen, un philanthrope, nous dit-on : 
	 der menschenfreundliche Major von Beumen.
	 
	 Si cet
	 officier est un type d'humanité, on se demande ce
	 que peut être le commun des Bavarois, ses 
	 compatriotes. 
	 
	 Pendant ces escarmouches, l'ennemi, qui occupait
	 en force Rambouillet, poussait de fréquentes 
	 reconnaissances
	 jusqu'à Epernon.
	 
	
	
	
	 Combat d'Epernon (4 octobre)
 Combat d'Epernon (4 octobre) 
Le 4 octobre, le colonel 
	 d'Alvensleben, à la tête de 
	 la 15e brigade de cavalerie,
	 de deux compagnies d'infanterie du régiment du 
	 corps et du 11e bavarois, et d'une batterie, se porta
	 lui-même sur cette ville, menaçant ainsi le 
	 département d'Eure-et-Loir.
	 Ce département était tout à fait 
	 dépourvu de moyens de défense.
	 Dès que les communications avaient été coupées
	 avec Paris, le
	 général Boyer, commandant de la 
	 subdivision militaire, se conformant aux instructions
	 qu'il avait reçues du ministre, s'était retiré dans
	 l'Orne avec les mobiles placés sous son
	   
	
		 
 
	commandement, afin qu'ils pussent achever leur instruction et
	acquérir quelque solidité.
	Mais cet officier général
	se trouvant en désaccord avec les comités de défense,
	fut relevé de ses fonctions, et les mobiles rappelés 
	à Chartres.
	A la nouvelle de l'approche de 
	l'ennemi, le préfet d'Eure-et-Loir, qui, comme tant
	d'autres fonctionnaires civils, ne craignait pas d'ordonner
	des mouvements militaires, dirigea sur Épernon les
	2e et 4e bataillons de la garde mobile de son 
	département (lieutenant-colonel Marais); renforcés par 
	quelques gardes nationaux et par des francs-tireurs 
	du pays, ils allèrent occuper le 
	plateau des Marmousets 
	et celui 
	de la Diane, qui dominent la ville à une 
	faible distance et sont séparés par une vallée étroite 
	que traverse la grande route du côté de Rambouillet.
	Le 4 octobre, entre dix et onze heures, l'ennemi parut,
	et commença la canonnade. 
	
	Après une lutte sérieuse de plusieurs heures,
	dans laquelle le commandant
	Lecomte tomba bravement à la tête du 4e bataillon 
	d'Eure-et-Loir, et qui coûta, tant aux mobiles qu'aux
	gardes nationaux de Droué, quinze tués et une trentaine
	de blessés, les nôtres, écrasés par l'artillerie, 
	se virent forcés d'abandonner le terrain et de se
	retirer sur Chartres.
	D'après les états de pertes du bureau 
	statistique prussien auxquels nous nous en rapportons,
	bien qu'ils soient souvent inexacts, le colonel 
	d'Alvensleben avait eu, de son côté, dans cette journée,
	sept hommes tués et vingt-quatre blessés, dont
	un officier. 
	
	Le soir même, il entra à Epernon; le
	lendemain, il s'occupa de faire des réquisitions, et
 
		 
		 
	le 7, il retourna à Rambouillet,  emmenant son butin 
	et laissant derrière lui quelques détachements.
	L'un de ces détachements, composé du 4e escadron 
	du 16e régiment de hussards de Schleswig-Holstein 
	et d'un piquet d'infanterie du 11e régiment bavarois,
	occupait Ablis, bourg riche et important,
	situé sur les confins du département de Seine-et-Oise. 
	
	
	 Surprise et incendie d'Ablis (8 octobre)
  Surprise et incendie d'Ablis (8 octobre)
  
	Le 8 octobre, un peu avant le jour, les Allemands y
	furent surpris et attaqués par environ cent trente
	francs-tireurs de Paris 
	(commandant Lipowski), 
	venus de Denonville.
	Apres une demi-heure de combat, 
	les nôtres se replièrent, emmenant avec eux
	soixante-dix prisonniers et près de cent chevaux. 
	
	Dans ce hardi coup de main, qui leur coûta deux
	hommes seulement, les francs-tireurs de Paris tuèrent
	six Prussiens et en blessèrent cinq autres ; parmi
	les premiers se trouvait le capitaine Ulrich, chef de
	l'escadron des hussards et du détachement. 
	
	Malheureusement les représailles ne devaient pas se faire
	attendre : à neuf heures du matin, l'ennemi revient 
	avec des forces considérables pour venger son échec
	de la nuit; le village est envahi et cerné; quatre
	paysans, rencontrés dans les rues, sont massacrés 
	sans pitié ; le maire est averti que s'il ne paye pas sur
	l'heure une contribution de cinq mille francs, on va
	incendier sa commune; puis, quand l'argent est versé,
	le feu est mis aux habitations, et le bourg est brûlé
	de fond en comble; dans sa soif de vengeance l'ennemi
	n'épargne même pas l'ambulance dans laquelle
	on a soigné ses blessés.
 
	
	Vingt-deux otages sont enchaînés et traînés au quartier
	prussien du Mesnil-Saint-Denis par
	le général-major de Schmidt,
	chef de la division de cavalerie, qui menace de les retenir
	
		 	
	si le gouvernement français ne lui rend pas les hussards 
	faits prisonniers. 
 
	
	Le lendemain, cependant, sur la protestation de la 
	délégation de Tours et des autorités du département,
	le général de Schmidt se décida à relâcher les habitants 
	d'Ablis, et il aurait même, dit-on, en les reconduisant 
	aux avant-postes, laissé échapper ces paroles:
 
		"A mon lit de mort, je me rappellerai cette malheureuse
		affaire." 
 
		
		Il pourra se rappeler également le drame de Sivry-sur-Ante,
		dans lequel son ancien régiment a été le principal
		acteur, et dont la Champagne ne perdra pas 
		de si tôt le souvenir.
 
	"L'Incendie d'Ablis était, dit Rüstow, le premier 
	acte annonçant clairement la guerre de terreur."
 
	
	 Ce n'était ni le premier ni malheureusement le dernier:
	 déjà nous avons vu le général de Bredow inaugurer
	 sa marche par le bombardement de Mézières;
	 nous verrons cette consigne s'exécuter impitoyablement
	 sur les deux rives de la Seine, et nous n'aurons que
	 trop souvent l'occasion de flétrir ces représailles
	 dignes des guerres civiles.  
	 
  
	
	 Entreprises des Saxons et des Prussiens sur la rive droite de la Seine
 Entreprises des Saxons et des Prussiens sur la rive droite de la Seine 
Sur la rive gauche de la Seine, nous avons laissé 
	 les Saxons au moment où, après avoir pris possession
	 de Beauvais, le 30 septembre ils ont envahi la plus 
	 grande partie du département de l'Oise. 
 
	 
	 Au commencement d'octobre, se sentant soutenus par
	 le détachement du prince Albert, dont les patrouilles
	 sillonnent déjà les environs de Marines et de Magny,
	 et s'avancent jusqu'aux portes de Gisors,
	 ils deviennent, de leur côté, plus entreprenants 
	 et le 2 octobre ils envoient dans la direction de
	 Gournay une première
	 
		 
		 
	 reconnaissance, forte de deux escadrons de cavalerie, 
	 dragons et uhlans.
   
	
	 Rencontres 	  de Gournay (2 octobre) et d'Armentières (5 octobre)
 Rencontres 	  de Gournay (2 octobre) et d'Armentières (5 octobre) 
 Gournay,
	ville commerçante et marché important,
	 était un centre de ravitaillement dont l'ennemi désirait 
	 s'assurer la possession; aussi, dès le 21 septembre, 
	 le général Gudin avait-il fait occuper cette ville
	 par le 8e bataillon de la mobile du Pas-de-Calais
	 (commandant Darceau), qui fut renforcé le 1e octobre
	 par le 4e bataillon de l'Oise et par
	 deux escadrons
	 du 3e hussards, sous les ordres du 
	 colonel d'Espeuilles.
  
	 
	 Dans la matinée du 2 octobre, un peloton de nos hussards 
	 rencontra à la hauteur de Senantes
	 la reconnaissance
	 saxonne en marche sur Gournay, et, en
	 présence d'un ennemi supérieur en nombre, il dut se
	 replier sur cette ville, suivi de près par les Saxons.
 
	 Enhardie par la retraite des nôtres, une patrouille du 
	 18e uhlans s'avance jusqu'à la gare; mais elle est reçue 
	 à coups de fusil par une section de la 5e compagnie 
	 du Pas-de-Calais (lieutenant de Puisieux), qui se
	 trouve là de grand'garde.
 
	 Tandis que le reste de la
	 compagnie de mobiles (capitaine du Hays) cherche à
	 les tourner au pas de course, le colonel d'Espeuilles,
	 à la tête d'un escadron, donne la chasse aux uhlans;
	 et ceux-ci, après avoir essuyé plusieurs décharges,
	 s'enfuient, emmenant un de leurs sous-officiers blessé 
	 et laissant entre nos mains deux chevaux et un
	 prisonnier.
 
	 Cette première apparition des fourrageurs à Gournay,
	 sur la limite même de la Seine-Inférieure, causa 
	 dans le département une très-vive émotion; mais
	 l'émotion de l'ennemi ne fut pas moins vive, car il ne
	 s'attendait nullement à rencontrer notre cavalerie
	 régulière, ni surtout à être ramené par elle, aussi
		 		 
		 
	cette escarmouche occasionna-t-elle une alerte, non
	seulement parmi la garnison de Beauvais, mais 
	encore parmi celle de Clermont, qui s'empressa de 
	doubler le service des grand'gardes et des patrouilles.
 
 
	Devenus plus circonspects, les Saxons ne se hasardèrent
	plus aussi loin, et ce furent nos cavaliers qui
	allèrent à leur rencontre.
 
	Le 5 octobre, un peloton 
	du 3e hussards, en reconnaissance
	à la Chapelle-aux-Pots,
	fut averti dela présence de patrouilles ennemies
	dont il suivit la trace jusqu'à Hodenc-en-Bray.
 
	Là, sept de nos hussards se détachèrent, fondirent à toute
	bride sur Armentières, et y rejoignirent les Saxons,
	qui, ne se croyant pas suivis de si près, faisaient
	tranquillement leur provision de tabac et de cigares.
 
	Troublés dans leurs achats, ils détalèrent précipitamment,
	poursuivis pendant plusieurs kilomètres 
	par les décharges des nôtres.
 
	Dans cette nouvelle 
	rencontre, deux dragons furent mortellement atteints;
	quant à nos hussards, n'ayant éprouvé aucune perte,
	ils rentrèrent à Gournay, ramenant encore un uhlan
	fait prisonnier. 
 
	
	En traversant, dans leur fuite, le hameau d'Héricourt,
	les dragons du 2e régiment saxon s'écriaient
	qu'ils seraient vengés. 
 
	
	Ils le furent en effet dès le lendemain.
 
		
	
	
	 Incendie d'Héricourt  (6 octobre)
 Incendie d'Héricourt  (6 octobre) 
 
	Sur les ordres du colonel saxon de 
	Standfest, qui occupait Beauvais, un détachement
	d'exécution, commandé par le major de Goerne,
	du 2e régiment à pied de la garde prussienne, et 
	composé des 6e et 7e compagnies de ce régiment,
	de deux escadrons du 18e uhlans saxons et de deux
	pièces d'artillerie, se mit en route pour la 
	Chapelle-aux-Pots.
 
	Tandis que la cavalerie cernait le village,
	le gros de la troupe se dirigeait sur Héricourt.
 
	Déjà  
	l'avant-garde prussienne avait massacré sur sa route,
	au Pont-qui-Penche, un malheureux paysan dont les
	réponses incohérentes lui avaient paru suspectes;
   
	
	en arrivant au passage à niveau du chemin de fer,
	dit le Pont-aux-Claies, les fantassins envahirent 
	la maisonnette du garde-barrière; 
 
	l'ayant trouvé 
	caché dans sa cave avec plusieurs ouvriers employés
	aux réparations de la voie, ils le firent sortir; 
	puis, sur le simplé soupçon qu'il était de connivence 
	avec des francs-tireurs, ils le forcèrent à s'adosser
	à un poteau du télégraphe et le fusillèrent sous 
	les yeux de sa femme éplorée, en face de sa maisonnette
	en flammes. 
 
	
	Quant aux terrassiers, ils échappèrent 
	à la mort, mais non à l'ignominie mis à nu et attachés
	aux arbres de la route, ils ne furent relâchés 
	qu'après avoir été fustigés d'une façon toute 
	germanique.
 
	Poursuivant sa marche sur Héricourt,
	le major de Goerne arrive vers midi à l'entrée 
	duvillage; sachant qu'il est vide de défenseurs 
	et qu'il n'y a personne pour lui répondre, il met
	ses pièces en batterie et commence le bombardement
	pour ainsi dire à bout portant au bout de vingt 
	minutes, les hameaux d'Héricourt, d'Armentières 
	et de la Frenoye sont en feu.
 
	Vers deux heures,
	ces héros reprennent la route de Beauvais, laissant
	derrière eux une soixantaine d'habitations en flammes,
	et satisfaits d'avoir tiré vengeance d'un fait de
	guerre qui était pourtant des plus réguliers.
 
	C'est ainsi que, sur la rive droite comme sur la
	rive gauche de la Seine, les Allemands, ayant 
	rompu en visière avec la civilisation, parcourent
	notre malheureux pays la mèche allumée, la torche
	à la main, et ils se réjouissent de ce que la
	"pacification fait partout de rapides progrès" 
	: Die Pacifirung machte hier uberall 
	gute Fortschritte !
 
	
	
		  
		  
		   Ah si de pareils moyens
	eussent été employés dans un pays armé et préparé
	pour la défense, ils auraient eu pour résultat 
	l'extermination certaine des "pacificateurs"). 
 
 
	
	
		
	
	
	 Occupation de Compiègne (7 octobre)
 Occupation de Compiègne (7 octobre) 
 
	
	Au lendemain de l'incendie d'Héricourt, les
	Allemands, pensant nous avoir suffisamment
	terrifiés du côté de l'ouest, résolurent d'étendre
	leur rayon d'occupation dans le nord un régiment 
	de dragons saxons parti de Clermont avec une 
	section d'artillerie, et deux compagnies prussiennes
	envoyées de Chantilly, allèrent tenir garnison 
	à Compiègne, qui avait été visité plusieurs fois
	déjà par les fourrageurs ennemis, et qui fut 
	occupé sans difficulté.
	Le major de Funcke, qui 
	commandait ce détachement saxo-prussien, s'attendait
	à faire un long séjour à Compiègne; installé à 
	l'ancienne résidence impériale, il se montrait
	assez satisfait de la nourriture et du logement,
	quand, deux jours après son arrivée, il reçut 
	tout à coup, à son grand déplaisir, l'ordre de 
	retourner à Clermont, 
	dont le colonel de Standfest
	venait de prendre le commandement.
	Le général Senfft,
	de son côté, s'était rendu à Beauvais pour concourir
	au mouvement que le prince Albert et le comte 
	de Lippe allaient effectuer de concert contre
	Gisors.
	La ville de Gisors, qui est le centre 
	d'un commerce important, le nœud de plusieurs 
	embranchements de chemin de fer, et, en quelque
	sorte, la clef du Vexin, ne devait pas tarder à
	être réquisitionnée par l'ennemi c'était l'objectif
	nxé au prince Albert, que nous avons laissé à la
	fin du chapitre précédent sur la rive droite de 
	l'Oise
	
	 Apparition	  des Prussiens à Gisors  (6 octobre)
  Apparition	  des Prussiens à Gisors  (6 octobre) 
	Au commencement d'octobre
	, le détachement de ce prince, se reliant à 
	celui du comte de Lippe, poussait ses patrouilles 
	le long de la ligne de l'Epte, où il détruisait les
	ponts de Bray-et-Lu, de Montreuil et d'Aveny.
	Le 2 octobre le jour même où les cavaliers saxons
	s'avançaient jusqu'aux portes de Gournay, les uhlans
	prussiens poussaient jusqu'à Trie-Château, coupaient
	le télégraphe à Eragny et y détruisaient le chemin 
	de fer. 
	
	Le 6 octobre, huit des leurs pénétrèrent dans
	Gisors, poussant devant eux un habitant qu'ils avaient
	pris comme guide et comme sauvegarde; mais, reçus à
	coups de fusil par les gardes nationaux, qui leur 
	blessèrent deux chevaux, ils s'enfuirent à toute 
	bride en abandonnant leur prisonnier.
	La présence
	presque simultanée de l'ennemi à Pacy et à Vernon,
	à Gournay et à Gisors, dans les premiers jours
	d'octobre, avait redoublé les alarmes en Normandie.
	A Rouen, le commandant
	général Estancelin faisait
	retentir l'appel aux armes: "L'ennemi entre dans 
	notre province, disait-il dans sa proclamation 
	du 8 octobre, que tout homme de cœur prenne son
	fusil et vienne le recevoir!
	Sur les frontières 
	de notre département, des accidents de terrain,
	des bois profonds, permettent une résistance 
	efficace : que chaque arbre abrite un tireur, que
	chaque obstacle soit défendu!"
	C'est à la même
	date que M. Gambetta, échappé
	de Paris en ballon 
	et tombé la veille aux environs de Montdidier, 
	traversait la ville de Rouen, où de sa voix vibrante
	il adressait à la foule assemblée ces paroles 
	restées célèbres : "Si nous ne pouvons faire un pacte
	avec la victoire, faisons un pacte avec la mort!"