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titre_Peinture_clarendon

15 janvier 1871

boite verte

Monographie rédigée sur Saint-Jean-sur-Erve par l'instituteur pour l'exposition universelle de 1900
Ce texte trouve ses sources dans la brochure :
"Inauguration solennelle du monument élevé à Saint-Jean-sur-Erve" , Laval, Imprimerie mayennaise, 1898. Image

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L'amiral Jauréguiberry ne recule qu'à contre-coeur : " Je suis désolé de battre en retraite, écrit-il à Chanzy.
Si je n'avais avec moi un matériel considérable qu'il faut essayer de sauver, je m'efforcerais de trouver une poignée d'hommes déterminés et de lutter même sans espoir de succès... Je ne me suis jamais trouvé depuis 39 ans que je suis au service dans une position aussi navrante pour moi."
Aussi, arrivé au milieu de la nuit du 14 au 15 à Saint Jean sur Erve, dès le petit jour, se mit à étudier le terrain et le jugeant avantageux pour la résistance, il se résout aussitôt à faire tête à l'ennemi ; il veut tenter, à tout prix, de l'arrêter dans sa poursuite. Il n'a avec lui que les faibles restes des deux premières divisions du 16e corps.
Du premier coup d'oeil, l'amiral a vu le parti qu'il peut tirer des hauteurs qui dominent le village en amphithéâtre.
Il ordonne à une section du génie de pratiquer des embrasures dans les talus du chemin creux qui contourne la colline, pour y établir quatre batteries, deux de pièces de 4 et deux de mitrailleuses avec la mission de battre la route du Mans à Laval.
Il commande à une autre section du génie de préparer la destruction du pont de Saint Jean.
Il place son infanterie au-dessus et en arrière du village
La 1e division : 31e de marche, 33e mobiles et 75e mobiles à gauche.
La 2e division : 38e de marche, 66e mobiles (ceux de la Mayenne dont un bataillon a perdu à Loigny dans trois attaques successives contre le château de Goury et la ferme de Beauvilliers les deux tiers de son effectif et les deux tiers de ses officiers; régiment qui se distingua encore tout entier dans la défense d'Orléans autour de Vendôme aux environs du Mans et à Chassillé) le 22e mobiles et le 62e de marche à droite.
Le 40e de marche occupe le front de St Jean qu'il doit défendre coûte que coûte.
Toute la ligne est couverte par de nombreux tirailleurs qui s'abritent derrière les haies et dans les fossés.
Il est 11h et demi, l'armée de Frédéric-Charles se présente et engage l'action par un feu de mitrailleuses sans résultat appréciable. A midi et demi les allemands font avancer une batterie qui n'est pas plus heureuse. Elle est bientôt suivie par une colonne d'infanterie accompagnée de deux pièces.
Nos canons de 4 les obligent à se taire, pendant que nos mitrailleuses arrêtent et dispersent leurs fantassins.
Alors l'ennemi met en position trois batteries en face de la route nationale pour préparer la voie à ses profondes colonnes qui essaient vainement d'aborder de front l'armée française; l'ennemi provoque un double mouvement tournant qui est arrêté sur notre gauche par les mitrailleuses du capitaine Perret, et sur notre droite par les mitrailleuses du capitaine Delahaye.
L'ennemi qui en double colonne avait tenté d'enlever le pont de St Jean au pas de course fut ainsi dispersé à trois reprises différentes.
Les prussiens établissent de nouvelles batteries et vomissent sur nos soldats une grêle de projectiles.
Nos canons font rage pour leur répondre malgré leur infériorité.
Impassible dans la mitraille, l'amiral Jauréguiberry avec le plus grand sang froid donne ses ordres, dirige ses bataillons.
Il a son cheval tué sous lui par un obus, qui, après avoir traversé le cou de l'animal, blesse mortellement le chef d'état major général du 16e corps, le brave colonel Béraud.
L'amiral tient bon toujours et les soldats électrisés par son exemple, ainsi que les artilleurs en dépit de leurs pertes sensibles, repoussent partout les efforts désespérés des prussiens étonnés, découragés.
Le combat dure depuis plus de cinq heures.
Quand le feu cesse, l'ennemi a perdu plus de deux mille des siens et il renonce à enlever de haute lutte une position si bien défendue.
La nuit arrive se sentant tourné par un ennemi nombreux, Jauréguiberry ordonne la retraite sur Laval, mais nos fantassins qui se tiennent à distance laissent prendre possession du bourg à ces malheureux prussiens qui se croient déjà chez eux.
C'est alors que de tous côtés arrivent nos soldats français pour infliger à l'ennemi un dernier combat et en faire dans le bourg même un véritable massacre à la baïonnette.
Rappelons également le combat à la baïonnette livré par les mobiles de la Dordogne dans la maison même de la ferme de l'Epine. Tous les français présents moururent jusqu'au dernier, une quinzaine environ.
Le combat de Saint-Jean ne finit qu'à huit heures du soir le 15 janvier.
Le bourg était jonché de cadavres prussiens et le lendemain matin dés l'aube on en retrouvait plus un.
Si les débris de la deuxième armée de la Loire ont pu regagner Laval pour s'y réorganiser et s'y reposer, c'est grâce à la résistance du 16e corps à Saint-Jean-sur-Erve.
A la suite de ce combat les prussiens ont exigé de la population l'énorme contribution de guerre de 20281F.
Pendant les dix sept jours qu'ils sont restés à Saint-Jean-sur-Erve, les allemands ont fait des réquisitions de toute sorte dont le total est évalué à 150000F au moins.
Pour perpétuer le souvenir, honorer le sacrifice et la vaillance des nobles victimes françaises tombées au champ d'honneur pendant cette terrible journée du quinze janvier 1871, pour rappeler à jamais l'exemple de ces braves soldats français aux générations futures, un monument commémoratif a été élevé à la limite du bourg, à la jonction des routes de Laval au Mans et de St Jean à St Léger.