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Bataille de Beaune-de-Rolande

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Source : général Crouzat : Le 20e corps à l'armée de la Loire. Image

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Les 26 et 27 novembre, le 20e corps conserva ses positions bien retranchées et se prépara, ainsi qu'il en avait reçu l'ordre de Tours, à marcher sur Beaune-la-Rolande et Pithiviers.
Pour continuer sa marche en avant sur Beaune et Pithiviers, le 20e corps dut attendre que le 18e corps, qui devait concourir avec lui à cette grave opération, fut arrivé à Ladon.
Ces deux jours permirent au 10e corps prussien, qui occupait Beaune et les villages environnants, de s'y retrancher fortement.
L'ennemi avait de plus de grandes forces à Pithiviers;
Mais la 1ere division de notre 15e corps, forte de 25000hommes, étant à Chilleurs-aux-Bois, il y avait tout lieu de compter sur elle pour tenir au moins en échec les forces ennemies qui étaient dans Pithiviers.
L'attaque du 20e corps sur Beaune, quoique promettant d'être rude, devait donc réussir pourvu toutefois que le 18e corps, partant de Ladon, arrivât à temps pour attaquer et déborder Beaune par la droite, pendant que le 20e corps l'attaquerait de front et à gauche.
En conséquence, le 18e corps, mis sous ma direction stratégique, étant réuni le 27 au matin à Ladon, je prescrivis pour le lendemain 28 les dispositions suivantes:
20e corps à huit heures du matin :
La lre division, débouchant de Boiscommun, devait marcher sur Nancray, Batilly, Saint-Michel et Beaune;
la 2e division, débouchant de Montbarrois et Saint-Loup, devait marcher directement sur Beaune;
la 3e division devait aller se placer en réserve à Saint-Loup.
Le 18e corps, partant de Ladon à 7 heures, devait marcher sur Maizières, Juranville et Beaune; afin de bien assurer sa marche sur Beaune, il lui était prescrit de faire occuper Lorcy par une brigade.
Une autre de ses brigades, arrivant de Montargis, devait le remplacer à Ladon.
Pour donner toute certitude à la marche du 18e corps, le bataillon du 78e régiment d'infanterie de la 8e division du 20e corps devait aller dès le matin s'établir à Maizières.
Ces dispositions écrites furent arrêtées à Bellegarde avec le Commandant du 18e corps, le 27 au soir.


Le 28 novembre à 6 heures du matin, le bataillon du 78e se met en marche sous les yeux du général en chef, et va occuper Mézières.
A 8 heures, le général en chef, qui s'était placé de sa personne à Saint-Loup, fait ouvrir le feu sur Beaune par une batterie de 12.
A ce signal, la lre division débouche de Boiscommun, précédée de nombreux tirailleurs, et se jette sur Nancray, Batilly, Saint-Michel.

Dans ces deux derniers villages, la résistance est des plus vives, mais elle est vaincue, et la 1e division, après s'être reformée, s'avance sur Beaune malgré la fusillade et la canonnade, met ses canons en batterie et se dispose à l'assaut.
Il était une heure.
En même temps que la lre division sortait de Boiscommun, la 2e division, débouchant de Montbarrois et de Saint-Loup, lançait ses tirailleurs dans la plaine vers Beaune.
Les deux bataillons du Haut-Rhin prennent le pas de course au son de leur musique, au cri de : « En avant ! Vive la France. »
En un clin d'œil les avant-postes, les grand'gardes ennemis sont repoussés, rejetés dans Beaune, et vers midi, la 2e division toute entière, aidée de la batterie de 12 que j'avais fait descendre de Saint-Loup, enveloppe Beaune de ses feux.
C'est à ce moment que, selon toutes les prévisions, le 18e corps devait arriver.
N'ayant pas de ses nouvelles, j'avais envoyé à 11 heures deux de mes officiers d'ordonnance (MM. les capitaines Japy et Cardot) au devant de lui.
Ces Messieurs avaient rencontré M. le Commandant du 18e corps près de Maizières, et il leur avait dit, en regardant l'heure à sa montre: « Dites au général Crouzat qu'à midi et demi je serai dans Beaune. »

Il était une heure et rien ne paraissait.

Cependant notre feu ne se ralentit pas; le 20e corps va toujours se rapprochant de Beaune, gagnant du terrain, et à 2 heures, le demi-cercle de feu n'était pas à plus de 500 mètres des maisons.
Les zouaves de la 2e division (3e de marche), les mobiles des Deux-Sèvres, de la Savoie, du Haut-Rhin, mettent sacs à terre, et, entraînés, enlevés par leurs officiers et par le chef d'état-major de la 2e division, M. de Verdière, s'élancent à l'assaut.
Ils pénètrent dans Beaune, s'engagent dans une de ses rues, mais impossible de s'y maintenir; ils sont ramenés, laissant les abords de la ville couverts de leurs morts et de leurs blessés.
Malgré la plus vive fusillade, notre cercle de feu ne fait cependant que se resserrer, quoiqu'il s'exerce sur un ennemi à peu près invisible.

Il est 2 heures et demie, et je n'ai toujours pas de nouvelles du 18e corps.

A tout événement, je fais descendre alors de Saint-Loup la lre brigade de la 3e division.
Je la place en réserve derrière un pli de terrain, à 600 mètres environ de Beaune, à cheval sur la route de Beaune à Bellegarde, et je me porte de ma personne au-devant du 18e corps sur la route de Juranville.
Je rencontre son chef sur cette route, à 3 kilomètres, ayant avec lui un escadron de cuirassiers. Je lui demande où est son corps d'armée. Il me répond qu'il arrive.
Je le prie de se hâter, et je retourne devant Beaune.

Il était 3 heures et demie.

A ce moment ma 1re division est vigoureusement attaquée sur son flanc gauche par une grosse colonne d'infanterie et d'artillerie qui arrivait de Pithiviers.
La 1ere division, général de Polignac, fait face à gauche, reçoit cette colonne par un feu d'infanterie et de mitrailleuses des plus violents, et après unelutte d'une heure presque corps à corps, la repousse, lui prend un de ses canons et la rejette en arrière;
mais cet héroïque effort l'avait épuisée.
Le général de la lre brigade Boisson était tué.

Il était 4 heures et demie.

Espérant encore dans un dernier assaut, je prends 3 compagnies des Pyrénées-Orientales et quelques zouaves; je me mets à leur tête, à cheval avec mon escorte, je fais sonner la charge et nous courons surBeaune.
Nous arrivons jusqu'aux premières maisons,et là, nous sommes accueillis par un feu à bout portant des plus intenses.
Les chevaux tressautaient devant la flamme rouge des fusils, les revolvers crépitaient... Tout fut inutile... La rue était barrée par une barricade en bois qui flambait, et je n'étais plus suivi que par quelques officiers.
Il fallut revenir aupoint de départ, ce qui se fit au pas.
Le chemin était couvert de mes pauvres mobiles et zouaves morts ou blessés.

La nuit était tout-à-fait venue.

A ce moment, le Commandant du 18e corps apparut à côté de moi, en me disant que son corps arrivait.
En effet, ses clairons sonnèrent la charge, mais ses soldats, d'ailleurs peu nombreux, ne voyant pas où ils tiraient, envoyèrent leurs balles sur mes propres troupes qui tiraillaient toujours contre Beaune.
Ce fut la fin! Craignant que cette méprise ne causât un affreux désastre dans un combat de nuit, j'envoyai l'ordre à mes divisions épuisées de reprendre leurs positions du matin, et au 18e corps de se rallier à Maizières.
L'ennemi était tellement épuisé, lui aussi, que non-seulement il ne nous suivit pas, mais qu'il se retira même un peu en arrière de Beaune où il ne revint que le lendemain matin.

Beaune-la-Rolande par Beauquesne
Beaune-la-Rolande par Beauquesne

A minuit, le 20e corps était rentré dans ses positions.
Il avait eu 1200 hommes tués ou blessés,40 officiers, perdu quelques prisonniers; mais il ramenait tous ses canons, et ses caissons et ses giberne sétaient vides.

Telle fut la bataille de Beaune-la-Rolande.
Livrée par le 20e corps seul, elle avait commencé à 8 heures du matin et duré jusqu'à 5 heures et demie du soir.
Si ce ne fut pas un succès, ce ne fut pas du moins un revers, car l'ennemi y fit, de son propre aveu, autant de pertes que nous, et il laissa un de ses canons entre nos mains.

Ce qui avait empêché le 18e corps d'arriver vers midi comme cela était convenu, et comme il en avait reçu l'ordre, c'est que l'arrière-garde qu'il avait laissée à Juranville avait été surprise, et ce village repris par l'ennemi.
Le 18e corps avait dû alors rétrograder pour reprendre Juranville et se dégager.
De là une suite de petits combats qui avaient retenule 18e corps loin de Beaune, son objectif essentiel, et où sa présence était indispensable.
D'autre part, l'ennemi avait pu recevoir de grands renforts de Pithiviers, malgré la présence à Chilleursaux-Bois de la le division du 15e corps.
Cette division avait cependant entendu pendant toute la journée le canon du 20e corps.
Quelques-uns ont reproché au Commandant du 20e corps de ne pas avoir brûlé Beaune.
Ceux-là oublient que Beaune était une ville française, et qu'il aurait suffi de l'arrivée, pendant le jour, d'une seule division du 18e corps pour faire tomber cette ville entre nos mains.

Pendant la bataille, les francs-tireurs du colonel Cathelineau avaient été très utiles au 20e corps en le couvrant du côté de Nancray.
Pendant la nuit, le général d'Aurelle m'engagea, par dépèche, à conserver mes positions; et le lendemain 29, M. le Délégué de la guerre se déclarant très satisfait de la vigoureuse pointe poussée par les 18e et 20e corps, sur Juranville et Beaune-la-Rolande, qui avait pleinement atteint le but en arrêtant les mouvements tournants de l'ennemi sur Le Mans et Vendôme, prescrivait au 20e corps de se rapprocher de Chilleurs-aux-Bois en occupant Chambon et Nibelle, et au 18e de se replier sur Ladon et Bellegarde.
En conséquence et pour assurer tout d'abord mes positions de Boiscommun, Montliard et Bellegarde.
je fis occuper fortement Saint-Loup dès le 29 au matin par une de mes meilleures brigades, et Boiscommun par 3 bataillons et une batterie d'artillerie que le général Martin des Pallières avait bien voulu mettre à ma disposition.

Le 30, dès 8 heures du matin, le 20e corps exécuta son mouvement à gauche sur Nesploye, Nibelle et Chambon.
Le 18e corps le remplaça à Montliard et Bellegarde.
La brigade qui avait été établie à Saint-Loup y fut attaquée dès le 29 par des forces très supérieures,surtout en artillerie, et après une vive résistance obligée de se replier sur Montbarrois et Boiscommun.
Cette brigade se croyant menacée d'être enveloppée et enlevée à Boiscommun par des forces décuples, je dus l'autoriser à rejoindre pendant la nuit suivante sa division à Nibelle.

A la suite des combats de ces six derniers jours et des longues marches qui les avaient précédés, le dénuement et la fatigue du 20e corps étaient grands.
Il avait perdu beaucoup d'officiers et quelques-uns de ses bataillons avaient encore des vêtements en toile; la chaussure, le campement, les hâvres-sacs manquaient presque complétement.
Le général commandant en chef crut devoir demander à M. le Délégué de la guerre, dont il recevait directement les ordres de mouvement, quelques jours de repos pour se refaire.
Il lui fut répondu par une dépêche des plus blessantes.

Cependant quelques effets d'habillement furent envoyés, et c'était là l'essentiel.

Le 20e corps resta dans ses positions de Nibelle, les 1er, 2 et 3 décembre.
Le général en chef reçut à Nibelle la visite du général Bourbaki, qui venait prendre le commandement supérieur des 18e et 20ecorps.