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TACTIQUE ET STRATÉGIE

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Source : général de Moltke : L'armée allemande - Dentu - Paris - 1871.
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Il n'est peut-être point déplacé de donner une explication élémentaire des termes militaires : stratégie et tactique.
La stratégie (ou science du général en chef) a pour objet, en théorie, les principes de la haute direction des armées eu campagne; en pratique, de tracer à grands traits le plan des opérations (plan de campagne); elle indique la disposition générale des grands corps de troupes, pour un but donné.
Elle détermine d'abord les places de bataille stratégiques, c'est-à-dire les positions qu'occupent les diverses parties de l'armée, et qui servent de base à leur attaque ou à leur défense, suivant une direction donnée qui constitue la ligne d'operations.
Dans les deux cas, dans la défensive comme dans l'offensive, l'opération est appuyée sur une, ou s'il est possible sur plusieurs places fortes qui sont destinées à protéger et à recevoir la retraite si elle devient nécessaire.
Il faut par conséquent, prendre des mesures pour qu'en poursuivant les opérations, les communications avec les points d'appui ne puissent être interrompues, en d'autres termes pour que la retraite ne soit pas coupée par l'ennemi.
Dans la guerre actuelle, les places fortes de Saarlouis et de Germersheim étaient, en première ligne, les bases d'opération pour des armées allemandes ; en seconde ligne, se trouvaient Mayence et Coblenlz.
Strasbourg, Metz et les nombreuses petites places de l'Alsace et de la Lorraine eussent rendu les mêmes services à l'ennemi, si on lui eût laissé le temps de prendre l'offensive.
Lorsque l'on vent prendre l'offensive, les corps quittent leurs premières positions, et s'avancent suivant des lignes d'opérations, ou séparées, ou convergeant vers un point déterminé, afin de tenter à un moment donné, avec le plus de forces possible, la fortune des armes.
Le stratégiste doit s'efforcer de combiner ses opérations de manière à pouvoir disposer d'une grande supériorité numérique au moment décisif. Les batailles et les combats sont du domaine de la tactique.

En un mot, la stratégie indique la meilleure voie qui conduit à la bataille; elle dit et quand on doit se battre.
La tactique enseigne la façon de se servir des différentes armes dans le combat ; elle dit comment on doit se battre.

Cette distinction sera rendue plus sensible en jetant un rapide coup d'œil sur les événements des dernières guerres européennes.
Conformément au plan d'opérations prussien qui amena en 1866 la bataille de Kœniggraetz, l'armée du prince royal déboucha par la Silésie, se jeta sur le flanc droit et même sur la ligne de retraite des Autrichiens et décida ainsi de leur défaite.
Les dispositions de cette marche étaient de nature stratégique.
Si le général Benedek avait réussi à repousser l'armée prussienne par une bataille victorieuse, il aurait surmonté par un succès tactique, les dangers de sa position si critique au point de vue stratégique.

La marche à la suite de laquelle la 2e armée allemande passa la Moselle près de Pont-à-Mousson, vers le milieu du mois d'août, pour cerner l'armée du maréchal Bazaine établie près de Metz, et la couper de ses communications, notamment de Verdun, est une opération stratégique.
Les batailles du 16 et du 18 qui en furent le réslutat et, qui, empêchant la retraite de Bazaine, l'arrêtèrent et finalement le rejetèrent dans Metz, sont les opérations tactiques qui assurent le succès du plan stratégique.
La maladresse stratégique que commit Bazaine, en s'arrêtant près de Metz dans une position qui laissait sa retraite à découvert, fit commettre aux Français une seconde faute identique à la première.
Afin de donner la main à Bazaine, et de le délivrer de sa position cernée, le maréchal Mac-Mahon entreprit sa marche presque aventureuse sur Sedan, risquant ainsi de perdre sa propre retraite et d'être jeté sur le territoire belge.
Les Allemands reconnurent cette faute et en profitèrent. Ils firent interrompre les opérations sur Paris de la 3e armée (prince héritier de Prusse) et la dirigèrent vers Sedan.
La marche de cette armée est une opération stratégique. Les batailles à la suite desquelles l'armée française fut jetée dans Sedan sont du domaine de la tactique.

Qu'elles ont été fatales pour la France, les conséquences de cette seule faute du maréchal Bazaine !
Les feuilles de l'histoire de France qui parleront des capitulations de Sedan et dde Metz seront éternellement encadrées de deuil.
La stratégie et la tactique sont les puissants agents destinés à trancher les questions de droit politique entre deux états, qui, en dernière instance, en appellent à l'épée; toutes les deux sont liées étroitement, comme le démontrent les exemples que nous venons de citer.

A la guerre,; une bonne disposition stratégique favorise les effets tactiques ; elle permet de tirer de la victoire des avantages plus grands, et prévient, autant que possible, les suites désastreuses de la défaite.
Mais le meilleur plan d'opérations, ( lors même que l'on réussirait à diviser les armées ennemies de telle sorte qu'on pût les attaquer isolément avec supériorité), manque son but, si le succès tactique n'y répond pas, en un mot, si on est battu.
De même aussi un succès tactique , c'est-à-dire la victoire, fait sortir de la position stratégique la plus critique.
Une campagne heureuse repose donc principalement sur des combats victorieux.

On entend par disposition (plan de bataille), la manière d'employer les troupes pendant le combat.
La disposition est donc à la tactique, ce que le plan d'opérations est au champ plus vaste de la stratégie.
Elle indique les conditions générales dans lesquelles on doit se battre, et le but particulier vers lequel on tend en se battant.
Elle détermine la division des troupes et des armes suivant la tâche qu'elles ont à remplir, la formation en colonnes, les positions à occuper, soi que l'on veuille attaquer ou se défendre, et indique l'ordre et les voies de retraite pour le cas échéant.
Les détails d'exécution et les décisions à prendre dans le courant du combat sont l'affaire des chefs subalternes qui ne doivent jamais perdre de vue la pensée fondamentale qui a présidé à la disposition générale.
Ce plan détermine encore l'ordre de bataille. L'ordre de bataille est la division générale des grands corps de troupe en avant-gardes, gros et réserves, pendant la marche ; et en lignes de bataille pendant le combat.
Cet ordre, arrêté d'abord dans un but général, peut être modifié par les incidents du combat.