Le Dormeur du val (Arthur Rimbaud 1854-1891)
 
Le sabre enchanté de Va-de-bon-coeur (Ponson du Terrail 1829-1871)
 
Complainte des ramasseux d'morts (Gaston Couté 1880-1911)
 
L'année terrible (Victor Hugo 1802-1885)

 


L'année terrible

BÊTISE DE LA GUERRE

Ouvrière sans yeux, Pénélope imbécile,
Berceuse du chaos où le néant oscille,
Guerre, ô guerre occupée au choc des escadrons,
Toute pleine du bruit furieux des clairons,
O buveuse de sang, qui, farouche, flétrie,
Hideuse, entraînes l'homme en cette ivrognerie,
Nuée où le destin se déforme, où Dieu fuit,
Où flotte une clarté plus noire que la nuit,
Folle immense, de vent et de foudres armée,
A quoi sers-tu, géante, à quoi sers-tu, fumée,
Si tes écroulements reconstruisent le mal,
Si pour le bestial tu chasses l'animal,
Si tu ne sais, dans l'ombre où ton hasard se vautre,
Défaire un empereur que pour en faire un autre ?


Boule de suif

....

La ville même reprenait peu à peu de son aspect ordinaire. Les Français ne sortaient guère encore, mais les soldats prussiens grouillaient dans les rues. Du reste, les officiers de hussards bleus, qui traînaient avec arrogance leurs grands outils de mort sur le pavé, ne semblaient pas avoir pour les simples citoyens énormément plus de mépris que les officiers de chasseurs qui, l'année d'avant, buvaient aux mêmes cafés.
Il y avait cependant quelque chose dans l'air, quelque chose de subtil et d'inconnu, une atmosphère étrangère intolérable, comme une odeur répandue, l'odeur de l'invasion. Elle emplissait les demeures et les places publiques, changeait le goût des aliments, donnait l'impression d'être en voyage, très loin, chez des tribus barbares et dangereuses.

...


Le Dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

 


Le sabre enchanté de Va-de-bon-coeur

J'étais de garde, cette nuit là ; il pleuvait à verse, et, à demi couché dans le fauteuil à bascule que le gouvernement accorde à l'officier de service, je sommeillais à moitié, entendant vaguement causer les hommes du poste par la porte entr'ouverte qui communiquait avec le corps de garde.
De grands éclats de rire achevèrent de me réveiller ; le tambour racontait l'histoire du sergent Va-de-bon-Coeur.

" Pour lors, disait le tambour, voilà Va-de-bon-Coeur en plein licenciement. L'armée de la Loire était dissoute, et l'on renvoyait chacun dans ses foilliers respectifs.
" Y en a des soldats d'à présent qui seraient bigrement contents, si on leur délivrait comme ça tout d'un coup leur feuille de route, leur congé et leur masse ; mais les troupiers de ce temps-là, cela ne les faisait rire que tout juste, d'autant qu'on ne leur faisait pas beaucoup de compliments et qu'on ne se gênait pas de les appeler brigands de la Loire et soldats de l'Usurpateur. Ceux qui avaient la tête près du bonnet s'emportaient tout de suite, comme de vraies soupes au lait.
" C'était là ce que cherchait l'autorité d'alors ; à la moindre batterie, crac, la main dessus, à l'ombre et pour longtemps. C'était une vraie pitié que de voir ces vieux soldats, qui avaient fait trembler les quatre coins de l'Europe, insultés sur leur passage par des blancs-becs de vingt ans, et condamnés comme vauriens et malfaiteurs quand ils avaient la main un peu trop leste.
" Tous ces gens-là étaient bien tristes ; le seul Va-de-bon-Coeur, quoiqu'il ne fût pas précisément content, conservait la bonne humeur qui lui avait valu son surnom.
" Il prit sa feuille de route qu'il serra dans un étui de fer-blanc, conserva son sabre qu'on avait pu lui retirer, vu que c'était un sabre d'honneur, mit son bonnet de police sur l'oreille, alluma sa bouffarde, et se mit en route d'un pied léger.
" Quand il entendait, sur son passage, des paroles qui le choquaient, il tirait de sa pipe deux bouffées un peu plus fortes que les autres, allongeait le pas et tâchait de penser à autre chose.
" Marche aujourd'hui, marche demain ; en marchant ainsi, l'on fait beaucoup de chemin. "

- Cric, crac, sabot, cria le tambour.
- Cuiller à pot, répondit l'auditoire en choeur, pour témoigner de son attention.
Le tambour, sûr d'être écouté, continua :

" Vous pensez bien que Va-de-bon-Coeur ne faisait pas souvent la noce. Trois sous par lieue et le logement en arrivant: voilà tout ce qu'il avait et plus souvent le mauvais accueil chez l'habitant, mais Va-de-bon-Coeur n'avait pas volé son surnom ; il prenait son mal en patience et attendait les événements.
" Un jour, en arrivant au gîte, il reçoit son billet de logement pour le moulin. Il y va, et ne trouve que la meunière.
" Il porte la main à son bonnet, car Va-de-bon-Coeur disait qu'il faut toujours être poli avec les femmes, retire sa pipe de sa bouche, et lui présente son billet de logement, les talons sur la même ligne.
" Malgré toutes ses politesses, la meunière lui fait la grimace, et le reçoit comme un chien dans un jeu de quilles.
" - Ah ! mon doux Jésus ! encore un de ces malpropres va-nu-pieds de brigands de la Loire à héberger cette nuit ! cria-t-elle d'un ton gémissant.
" - Sans vous commander, ma brave dame, répondit Va-de-bon-Coeur, en remettant son bonnet de police sur sa tête et sa pipe à la bouche, pour être malpropre, vous vous trompez. Va-de-bon-Coeur n'a jamais été appointé de parade. Vous m'appelez va-nu-pieds, continua-t-il en montrant sa jambe nerveuse que dessinait sa guêtre, il me semble que mes souliers ne sont pas percés.
" - C'est bien, c'est bon, grommela la meunière, on sait ce qu'on sait ; tenez, continua-t-elle en lui montrant une échelle, montez là-haut, il y a de la paille, c'est là que vous passerez la nuit.
" Va-de-bon-Coeur haussa les épaules et ne manifesta sa mauvaise humeur que par un coup de pipe plus accentué et se prépara à monter.
-Hé l'homme ! cria la meunière, laissez votre pipe ici, vous n'auriez qu'à mettre le feu comme ça, sans faire semblant.
" Va-de-bon-Coeur, qui avait été à l'incendie de Moscou, même qu'il y a sauvé la femme du général et deux cantinières, la regarda de travers, mais il se contint…
" - Tenez, lui dit-il, prenez ma pipe, et tâchez de ne pas me la casser, au moins.
" Puis il monta au grenier, et s'étendant sur la paille, il se coucha et s'endormit, car il était las.
" La meunière monta derrière lui et l'enferma à double tour.
" Il dormit deux heures, peut-être bien trois, quand un murmure de voix le réveilla.
" C'est un peu l'habitude du troupier en campagne de ne dormir qu'à moitié, et, en se réveillant d'avoir l'esprit dispos.
" Va-de-bon-Coeur se réveilla tout de suite, et, voyant un filet de lumière qui filtrait par les fentes du plancher, il se mit à plat ventre, appliquant son oeil à un trou et l'oreille à un autre.
" Or, je vous demande qu'est-ce qu'il vit, qu'est-ce qu'il entendit ? "

- Cric, crac, sabot, hurla le tambour, ménageant ses effets.
- Cuiller à pot, cria l'auditoire impatient.

  " Il vit, mes amis, il vit le notaire de l'endroit - en ce temps-là, on les appelait tabellions et ils avaient un costume tout noir - qui était assis au coin du feu, faisant l'aimable avec la meunière qui achevait de servir un bon souper.
" Le feu flambait, un gros poulet était sur la table, flanqué de bouteilles de vin et de toutes sortes de bonnes choses qui faisaient venir l'eau à la bouche de Va-de-bon-Coeur, qui avait soupé avec du pain de munition et un oignon cru arrosé d'eau claire.
" Ce gredin de notaire fumait un cigare dont l'odeur faisait regretter au sergent sa bouffarde, confisquée par la meunière.
" La meunière, accorte et jolie, trottait menu, apprêtant la table, et le notaire, guilleret, lui débitait des fadeurs quand elle passait et repassait autour de lui, pendant tous ces apprêts.
" Le souper étant enfin servi, le notaire se leva et tira une grosse bourse de sa poche.
" - Dame Martine, lui dit-il, un notaire n'a que sa parole, voici les arrhes de notre marché.
" Et il lui jeta la bourse dans son tablier.
" La meunière fit la révérence, et s'empressa de la cacher sous une pierre du foyer.
" Va-de-bon-Coeur regardait toujours. A quoi pensait-il ? Aux moulins de Prusse, d'Allemagne, d'Italie, d'Autriche, où il avait tenu la place du notaire, même sans donner de grosses bourses, tandis que, maintenant…
" Il en était là de ses réflexions, quand on frappa violemment à la porte du moulin.
" - Mon doux Jésus ! S'écria la meunière épouvantée, c'est mon mari qui revient de la foire.
" Le notaire avait aussi peur qu'elle et courait, se heurtant à tous les coins de la chambre, comme un oiseau effarouché.
" Va-de-bon-Coeur commençait à rire.
" Le mari frappait toujours, et la meunière parlementait, pour gagner du temps. Moins embarrassée que le notaire, en un tour de main elle fit disparaître le souper dans une armoire, et enferma l'homme noir dans la huche au pain.
" Cela fait, elle alla, de l'air grognon d'une femme qui se réveille, ouvrir à son mari.
" Le meunier entra ; c'était un grand gaillard qui en eût mangé trois comme le notaire ; Va-de-bon-Coeur se sentit tout de suite bien disposé pour lui.
" - Hé bien ! notre femme, dit le meunier en entrant, quoi de nouveau aujourd'hui ?
" - Rien, not'homme, sinon qu'on nous a encore envoyé loger chez nous un de ces vagabonds de l'armée de la Loire.
" - Quoi ! un soldat, dit le mari, où donc est-il ?
" - Là- haut, je l'ai enfermé dans le grenier.
" - Comment, tu l'as enfermé, et pourquoi cela ?
" - Dame ! fit la meunière en baissant les yeux, j'étais seule, et…
" - Oh ! se dit Va-de-bon-Coeur, qui entendait tout et pensait au notaire dans la huche.
" - Enfin, reprit le meunier, maintenant que je suis là, va le chercher, nous boirons une bouteille.
" - Voici le beau temps qui revient, murmura Va-de-bon-Coeur, en passant sa langue sur ses lèvres.
 " La meunière vint lui ouvrir en rechignant. Va-de-bon-Coeur feignit de se réveiller et descendit derrière elle, avec autant d'insouciance qu'il était monté. Son premier soin fut de reprendre sa pipe, qui était sur la cheminée, et de l'allumer.
" Le meunier vint à lui et lui donna une grande poignée de main, ce qui irrita deux fois plus Va-de-bon-Coeur contre le notaire.
" - Allons, notre femme, du vin et du bon, dit l'homme.
" La meunière leur posa sur la table une bouteille et deux verres, et alla s'asseoir dans un coin sans dire un mot.
" Les deux hommes trinquèrent.
" - A propos, dit le mari, avez-vous faim, sergent ?
" - Tout de même, dit Va-de-bon-Coeur.
" - Il n'y a que du pain et du fromage, dit la meunière d'un ton bourru.
" - Ouais ! se dit Va-de-bon-Coeur, qui pensait au fin souper caché dans l'armoire.
" - A la guerre comme à la guerre, dit le meunier en choquant son verre contre celui de Va-de-bon-Coeur. Au fait, en campagne, vous n'avez pas toujours eu vos aises.
" - Pardonnez-moi, reprit le sergent, j'ai toujours eu ce qu'il me fallait, grâce à mon sabre.
" - Oh ! oui, je comprends, vous preniez de force ce qu'on ne vous donnait pas.
" - Nenni dà, mon brave homme, répondit le militaire d'un air grave. Va-de-bon-Coeur n'a jamais été un pillard ; mais j'ai eu la chance, dans un vieux château d'Allemagne, de trouver un sabre enchanté qui me procure tout ce dont j'ai besoin.
" - Farceur, va, dit en riant le meunier.
" - Ah ! vous êtes incrédule, fit le sergent. Et, tirant lentement son sabre d'honneur, il fit deux ou trois moulinets, le salut des armes, et tomba en garde devant l'armoire où l'on avait enfermé le souper.
" - Par la vertu magique de mon sabre enchanté, cria-t-il d'une voix de commandement, je veux trouver, dans cette armoire, un souper complet.
 " Le meunier, tout en riant et se prêtant à la plaisanterie, ouvrit lui-même l'armoire et recula stupéfait en voyant tous les plats promis par Va-de-bon-Coeur, qui avait eu soin de faire la nomenclature du souper du notaire.
" Le brave homme s'assit stupéfait à côté de Va-de-bon-Coeur, auquel il n'osait parler qu'avec respect. Va-de-bon-Coeur, généreux et galant comme tout soldat français, prit par la main la meunière, plus morte que vive, et la força à s'asseoir près de lui.
  " Tous les trois se mirent à table, les deux hommes avec un robuste appétit, la meunière consternée, mangeant du bout des dents, et le notaire, dans la huche, crevant de peur et de dépit.
" Le vin du notaire était bon, il délia les langues, et le meunier raconta ses histoires à son ami Va-de-bon-coeur comme s'ils se fussent connus depuis dix ans. Il était fort inquiet, parce qu'il avait prochainement une grosse somme à payer et n'avait pas le premier sou.
" - Qu'à cela ne tienne, dit le brave sergent, mon sabre va vous tirer d'affaire.
" Il recommença sa pantomime, et, abaissant la pointe de sa lame sur la dalle du foyer :
" - Par la vertu magique de mon sabre enchanté, je veux trouver ici, dans une bourse, la somme dont mon ami a besoin.
" Faisant sauter avec sa lame la dalle mobile, il découvre, aux yeux ravis du meunier, la bourse du notaire ou plutôt de la meunière qui pleurait de dépit.
" Dans l'excès de la reconnaissance, le meunier se jetait aux pieds de Va-de-bon-coeur et le prenait pour un prince déguisé.
" - Non, disait-il, vous n'êtes pas un sorcier, vous êtes un digne seigneur qui a pris ce moyen de venir à mon aide.
" - Morbleu, s'écria Va-de-bon-coeur, feignant d'être en colère, puisque tu mets mon pouvoir en doute, je vais te faire voir le diable, et prends garde qu'il ne t'emporte.
" Il dit, et ouvrant la fenêtre, il étendit de nouveau son sabre magique en criant :
" - Au nom de la vertu de ma bonne lame, je t'ordonne, Satan, de sortir de la huche et de sauter par la fenêtre, si tu ne veux pas que je te pourfende avec mon, sabre enchanté.
  " Le notaire, fort mal à l'aise depuis longtemps, saisit avec empressement l'occasion de s'échapper, et traversa la chambre comme une flèche, en sautant par l'issue que Va-de-bon-coeur lui avait laissée avec intention.
" Le meunier, tremblant de tous ses membres, s'avança, le bonnet à la main.
" - Monseigneur, dit-il au sergent, que pouvons-nous faire pour vous ?
" - Une seule chose, dit Va-de-bon-coeur : être bon pour les soldats qui logeront chez vous.
" Il se versa un dernier verre de vin du notaire, alluma sa pipe, rechargea son havresac sur ses épaules, et se remit en route, car le jour commençait à poindre. "

  Le caporal de pose sortit pour aller relever les factionnaires, le courant d'air fit fermer la porte qui communiquait du poste de l'officier au corps de garde, et je fus privé ainsi de la suite des aventures de Va-de-bon-coeur.


Complainte des ramasseux d'morts

Cheu nous, le lend'main d'la bataille,
On est v'nu quéri'les farmiers :
J'avons semé queuq's bott'lé's d' paille
Dans l' cul d'la tomb'rée à fumier ;
Et, nout' jument un coup ett'lée,
Je soumm's partis, rasant les bords
Des guérets blancs, des vign's gelées,
Pour aller relever les morts...

Dans moun arpent des " Guerouettes ",
J' n' n'avons ramassé troués
Avec Penette...
J' n' n'avons ramassé troués :
Deux moblots, un bavaroués !

La vieill' jument r'grichait l'oreille
Et v'la-t-y pas qu' tout en marchant,
J' faisons l'ver eun' volte d' corneilles
Coumm' ça, juste au mitan d' mon champ.
Dans c' champ qu'était eun'luzarniére,
Afin d' mieux jiter un coup d' yeux,
J' me guch' dessus l' fait' d'eun' têtiére,
Et quoué que j' voués ?... Ah ! nom de Dieu !

Troués pauv's bougr's su' l' devars des mottes
Etint allongés tout à plat,
Coumme endormis dans leu' capote,
Par ce sapré' matin d'verglas ;
lls' tin déjà raid's coumme eun' planche :
L' peurmier, j'avons r'trouvé son bras,
- Un galon d' lain'roug' su' la manche -
Dans l' champ à Tienne, au creux d'eun' râ'...

Quant au s'cond, il 'tait tout d'eun' pièce,
Mais eun' ball' gn' avait vrillé l' front
Et l' sang vif de sa bell' jeunesse .
Goulait par un michant trou rond :
C'était quand même un fameux drille
Avec un d' ces jolis musieaux
Qui font coumm' ça r'luquer les filles...
J' l'ont chargé dans mon tombezieau ! ...

L'trouésième, avec son casque à ch'nille,
Avait logé dans nout' maison :
Il avait toute eun' chié' d' famille
Qu'il eusspliquait en son jargon.
I' f'sait des aguignoch's au drôle,
Li fabriquait des subeziots
Ou ben l' guchait su' ses épaules...
I' n'aura pas r'vu ses petiots ! ...

Là-bas, dans un coin sans emblaves,
Des gâs avint creusé l' sol frouéd
Coumm' pour ensiler des beutt'raves :
J' soumm's venu avec nout' charroué !
Au fond d'eun'tranché', côte à côte,
Y avait troués cent morts d'étendus :
J'ont casé su' l' tas les troués nôt'es,
Pis, j'ont tiré la tarr' dessus...

Les jeun's qu'avez pas vu la guarre,
Buvons un coup ! parlons pus d' ça !
Et qu' l'anné' qui vient soit prospare
Pour les sillons et pour les sâs !
Rentrez des charr'té's d' grapp's varmeilles,
D' luzarne grasse et d' francs épis,
Mais n' fait's jamais d' récolt' pareille
A nout' récolte ed' d'souéxant'-dix ! ...