Correspondances, décrets et proclamations

 
   


Léon Gambetta
(1838 - 1882)

 
 
Origine
destination
Décret - 4 octobre 1870 gouvernement de Paris  
Proclamation - 1e novembre 1870 Gambetta " A l'armée"
Proclamation - 12 novembre 1870 Gambetta " A l'armée"

 

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Sources :

 


 

Décret - 4 octobre 1870

Paris, 4 octobre 1870

Le gouvernement, etc... considérant qu'à raison de la prolongation de l'investissement de Paris, il est indispensable que le Ministre de l'intérieur puisse être en rapport direct avec les départements et mettre ceux-ci en rapport avec Paris, pour faire sortir de ce concours une défense énergique, décrète : Art. 1 er . M. Gambetta, membre du gouvernement, ministre de l'intérieur, est adjoint à la délégation de Tours; il se rendra sans délai à son poste.

Proclamation - 1e novembre 1870

Tours, 1e novembre 1870.

A l'armée.

Soldats,

Vous avez été trahis, mais non déshonorés. Depuis trois mois la fortune trompe votre héroïsme.
Vous savez aujourd'hui à quels désastres l'ineptie et la trahison peuvent conduire les plus vaillantes armées.
Débarrassés de chefs indignes de vous et de la France, êtes-vous prêts, sous la conduite de chefs qui méritent votre confiance, à laver dans le sang des envahisseurs l'outrage infligé au vieux nom français ? En avant !
Vous ne luttez plus pour l'intérêt et les caprices d'un despote, vous combattez pour le salut même de la patrie, pour vos foyers incendiés, pour vos familles outragées, pour la France, notre mère à tous, livrée aux fureurs d'un implacable ennemi : guerre sainte et nationale, mission sublime pour laquelle il faut, sans jamais regarder en arrière, nous sacrifier tous et tout entiers.
D'indignes citoyens ont osé dire que l'armée avait été rendue solidaire de son chef. Honte à ces calomniateurs, qui, fidèles au système de Bonaparte, cherchent à séparer l'armée du peuple, les soldats, de la République.
Non, non! J'ai flétri, comme je le devais, la trahison de Sedan et la capitulation de Metz, et je vous appelle à venger votre propre honneur, qui est celui de la France.
Vos frères d'armes de l'armée du Rhin ont déjà protesté contre ce lâche attentat, et retiré avec horreur leur main de cette capitulation à jamais maudite.
A vous de relever le drapeau de la France, qui dans l'espace de quatorze siècles n'a jamais subi pareille flétrissure! Le dernier des Bonaparte et ses séides pouvaient seuls amonceler sur nous tant de honte en si peu de jours !
Vous nous ramènerez la victoire; mais sachez la mériter par la pratique des vertus militaires qui sont aussi les vertus républicaines, le respect de la discipline, l'austérité de la vie, le mépris de la mort.
Ayez toujours présente l'image de la patrie en péril; n'oubliez jamais que faiblir devant l'ennemi à l'heure où nous sommes, c'est commettre un parricide et en mériter le châtiment.
Mais le temps des défaillances est passé, c'en est fini des trahisons. Les destinées du pays vous sont confiées car vous êtes la jeunesse française, l'espoir armé de la patrie, vous vaincrez ! Et, après avoir rendu à la France son rang dans le monde, vous resterez les citoyens d'une république paisible, libre et respectée.

Vive la France ! vive la République !

Le membre du gouvernement, ministre de l'intérieur et de la guerre,

Léon Gambetta.

Proclamation - 12 novembre 1870

Quartier général de l'armée de la Loire, 12 novembre 1870

Soldats de l'armée de la Loire,

Votre courage et vos efforts nous ont enfin amené la victoire, depuis trois mois déshabituée de nos drapeaux. La France en deuil vous doit sa première consolation, son premier rayon d'espérance. Je suis heureux de vous apporter, avec l'expression de la reconnaissance publique, les éloges et les récompenses que le gouvernement décerne à vos succès.
Sous la main de chefs vigilants, fidèles, dignes de vous, vous avez retrouvé la discipline et la force. Vous nous avez rendu Orléans, enlevé avec l'entrain de vieilles troupes depuis longtemps accoutumées à vaincre.
A la dernière et cruelle injure de la mauvaise fortune, vous avez montré que la France, loin d'être abattue partant de revers inouïs jusqu'à présent dans l'histoire, entendait répondre par une générale et vigoureuse offensive.
Avant-garde du pays tout entier, vous êtes aujourd'hui sur le chemin de Paris. N'oublions jamais que Paris nous attend, et qu'il y va de notre honneur de l'arracher aux étreintes des barbares qui le menacent du pillage et de l'incendie.
Redoublez donc de constance et d'ardeur. Vous connaissez maintenant nos ennemis; jusqu'ici leur supériorité n'a tenu qu'au nombre de leurs canons. Comme soldats, ils ne vous égalent ni en courage ni en dévouement.
Retrouvez cet élan, cette furie française qui ont fait notre gloire dans le monde, et qui doivent aujourd'hui nous aider à sauver la patrie.
Avec des soldats tels que vous, la République sortira triomphante des épreuves qu'elle traverse; car, après avoir organisé la défense, elle est en mesure à présent d'assurer la revanche nationale.
Vive la France! Vive la République une et indivisible !
Le membre du gouvernement de la défense nationale, ministre de l'intérieur et la guerre. Léon gambetta.